Transports: plus de rigueur dans les projets d’infrastructures
Le 30 septembre 2016 par Marine Jobert
Des sénateurs établissent un état des lieux sévère du processus de sélection et de financements des infrastructures de transport en général, et des lignes à grande vitesse en particulier.
Voilà qui ravira les opposants aux grands projets de tous poils et fera grincer des dents les élus du Sud-ouest en attente de leur TGV. Un groupe de travail de la commission des finances du Sénat a planché sur la politique de financement des infrastructures de transport[1]. Dévoilé à la presse avant d’être rendu public début octobre, le rapport conclut notamment qu’il est urgent de «geler pendant une quinzaine d’années le financement par l’Etat des nouveaux projets de ligne à grande vitesse, en vue de donner la priorité à la modernisation des réseaux existants dans un contexte budgétaire très contraint». En ligne de mire, les lignes Bordeaux-Dax et Bordeaux-Toulouse, dont les financements restent encore très aléatoires au vu des dernières réunions menées par le secrétaire d’Etat aux transports Alain Vidalies. Le groupe de travail déplore d’ailleurs que d’autres solutions techniques «beaucoup moins coûteuses que la construction d’une nouvelle LGV», n’aient pas été envisagées par l’Etat.
Manque de rigueur et de clarté
Le devenir plus qu’incertain de la ligne Poitiers-Limoges, dont la déclaration d’utilité publique a été invalidée par le Conseil d’Etat en avril 2016, est également évoqué. «Cette décision marque probablement les débuts d’une nouvelle jurisprudence administrative, plus attentive à l’utilité réelle des grands projets d’infrastructures de transport en période de tensions budgétaires», analysent les élus. C’est que le processus même de décision et de sélection des projets d’infrastructures de transport en France «manque encore trop souvent de rigueur et de clarté».
Coûts minorés, trafic majoré
Pire: quantité de projets ne suivraient pas un processus encadré et structuré, mais prendraient corps au fil des effets d’annonces, «jusqu’à progressivement devenir irréversibles, leur véritable évaluation socio-économique intervenant à un stade si tardif que tout renoncement aurait un coût politique et financier considérable». Une des préconisations du rapport consiste à prévoir la structure de financement «en amont, dès la phase de conception, en vue de garantir la viabilité financière du projet et de la soumettre au débat public». Le tout en ne tombant pas dans le travers récurrent de minoration des coûts des projets et de majoration des trafics –«un vrai sujet de préoccupation»-, et en prenant l’avis du Commissariat général à l’investissement pour les projets antérieurs au 27 décembre 2013 et dépassant le seuil de 100 millions d’euros, ainsi que pour les grands projets de modernisation des réseaux existants.
Ile-de-France martyre
Les sénateurs estiment que le réseau ferroviaire français dans son ensemble est dans un état «alarmant». L’Ile-de-France, la plus fréquentée, est la zone martyre en termes de dégradation du réseau, «ce qui provoque de nombreux désagréments pour les usagers et peut même, dans les pires des cas, mettre en péril leur sécurité». Alors que 4 des 8 lignes de trains de nuit du pays s’apprêtent à faire leur dernier voyage, les sénateurs appellent à ce que les ressources, tant humaines que financières, de l’Etat et de SNCF-Réseau soient concentrées «sur le réseau structurant et sur les lignes classiques les plus vieillissantes».
Concession à durée déterminée
Les sénateurs s’attardent sur le principe des contrats de concession. Pour le rail, le récent échec «cuisant» de la ligne Perpignan-Figueras n’incite pas à réitérer l’expérience sans une évaluation très réaliste des trafics futurs, ainsi qu’un respect pointilleux des délais de réalisation d’infrastructures qui dépendent les unes des autres pour bien fonctionner. Sur les contrats liant l’Etat aux sociétés d’autoroutes, les sénateurs portent un regard plutôt bienveillant. Toutefois, ils sont très critiques vis-à-vis de l’allongement des durées des concessions, qui complexifie les contrats et rend quasiment impossible la vérification de leur caractère équitable. Ils appellent à mettre un terme au financement d’investissements nouveaux par les sociétés d’autoroutes via ce procédé.
[1] Routier, autoroutier, ferroviaire et fluvial, excluant les transports collectifs en site propre, les ports et les aéroports.
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