Sécheresse: les arbres en perdent l’appétit du CO2
Le 31 juillet 2015 par Romain Loury
USDA
Les arbres mettent de 2 à 4 ans à récupérer d’une sécheresse, révèle une étude américaine publiée jeudi 30 juillet dans Science. Peu pris en compte par les modèles climatiques, ce phénomène pourrait diminuer les capacités de stockage du carbone, renforçant ainsi le réchauffement climatique.
Conséquence directe du réchauffement, les sécheresses devraient devenir plus fréquentes au cours du XXIe siècle. Parmi ses premières victimes, les arbres: en Californie, qui traverse sa 4e année consécutive de sécheresse, 12,5 millions d’entre eux sont morts en 2014. Même situation en Amazonie, où l’on observe depuis 2000 une baisse de l’indice de végétation sur plus de deux tiers de sa surface.
Or même chez les arbres qui ne meurent pas, la sécheresse entraîne un fort ralentissement de la croissance dans les années qui suivent. Déjà observé sur quelques espèces, notamment suite à la canicule européenne de 2003, le phénomène concerne l’ensemble du globe, comme le révèle une étude menée par l’équipe de Stephen Pacala, de l’université de Princeton (New Jersey).
-9% la première année post-sécheresse
A l’aide d’une base de données regroupant des mesures de cernes d’arbres, l’International Tree Ring Data Bank, les chercheurs ont analysé la croissance des arbres de 1.338 sites de l’hémisphère nord, afin d’estimer l’effet de la sécheresse dans les années qui suivent. Résultat, les arbres mettent de 2 à 4 ans à retrouver leur rythme de croisière. Leur croissance est diminuée de 9% la première année, de 5% pendant la deuxième année.
Il ne s’agit là que d’une moyenne: dans de rares cas, notamment certaines régions du bassin méditerranéen et de Californie, les arbres sont au contraire stimulés au cours des années qui suivent une sécheresse. Pour les autres zones, c’est dans les régions déjà arides que l’effet de la sécheresse se prolonge le plus, là où les arbres sont déjà soumis à un fort stress hydrique.
Comment expliquer ces effets retardés? Selon les chercheurs, elle pourrait engendrer une perte des feuilles et/ou des réserves en sucres, voire les rendre plus vulnérables aux organismes pathogènes. Autre possibilité, elle endommagerait le système vasculaire de l’arbre, qui rencontrerait des difficultés à faire circuler l’eau une fois celle-ci revenue.
Entre deux sécheresses, des arbres à la peine
Peu pris en compte par les modèles climatiques, cet effet serait loin d’être négligeable. D’après les calculs effectués par les chercheurs, il équivaudrait, pour les forêts du sud-ouest des Etats-Unis, à une baisse de 3% des capacités de stockage de carbone sur un siècle. Soit l’équivalent d’un quart des émissions annuelles des Etats-Unis.
«Le fait que les températures continuent à augmenter suggère que l’ouest des Etats-Unis va connaître des sécheresses de plus en plus fréquentes et sévères, réduisant fortement la capacité des forêts à pomper du carbone de l’atmosphère (…) Et si les forêts ne sont plus aussi efficaces pour utiliser le CO2, les changements climatiques pourraient s’accélérer», explique William Anderegg, co-auteur de l’étude.
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