Pesticides: les Etats continueront à gérer les néonicotinoïdes à leur guise
Le 15 mars 2013 par Marine Jobert
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La Commission européenne voulait «mettre les Etats face à leurs responsabilités» dans le dossier des néonicotinoïdes. Depuis un avis scientifique de l’agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa) rendu le 16 janvier dernier [JDLE], les soupçons qui pesaient sur l’action délétère de ces pesticides sur les abeilles appelaient une réaction de la part de l’Union européenne. En résumé: la règlementation de l’usage de ces pesticides les plus couramment utilisés allait-elle être laissée à la discrétion des Etats ou l’UE allait-elle édicter des restrictions, voire des interdictions? La réponse aurait dû venir des représentants des Etats, réunis aujourd’hui 15 mars à Bruxelles dans le cadre du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CPCASA). Mais aucune majorité qualifiée, ni dans un sens, ni dans l’autre, n’a émergé. «Ce nouveau vote laisse les abeilles à la merci de substances mortelles pour elles» a commenté Jean-Paul Chanteguet, le président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale. C’est la deuxième fois qu’un tel vote échoue.
La Commission européenne proposait plusieurs mesures, comme la limitation de l’usage de trois de ces insecticides -chlothianidine, imidaclopride et thiamétoxam- et des semences enrobées pour les seules cultures non attirantes pour les abeilles[1], ainsi que pour les céréales d’hiver. Les particuliers n’auraient plus été autorisés à utiliser ces produits. Des mesures qui seraient entrées en action le 1er juillet 2013, et pour une période d’essai de deux ans. La France [JDLE], l’Italie, l’Espagne, la Pologne, les Pays-Bas et la Belgique penchaient pour les mesures préconisées par la Commission. Face à eux, 9 pays s’y sont opposées (dont la Roumanie, la Hongrie et la Finlande) pendant que 5 se sont abstenus (dont la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la Bulgarie).
«Le nouvel échec de ce vote revient à ignorer avec entêtement les avertissements de la communauté scientifique et à céder à la pression des industriels qui défendent un modèle agricole intensif pour leurs seuls intérêts», estime Anaïs Fourest, chargée de campagne Agriculture durable à Greenpeace France. A l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), on se dit «très déçus.» «Le manque d’ambition de la proposition de la Commission représentait tout de même une avancée dans la prise en compte de la problématique abeille», explique Ollivier Belval, président de l’Unaf, au Journal de l’environnement. Il rappelle qu’en France, seules 15% des céréales de printemps auraient été concernées par les interdictions portées par la Commission. «Mais c’était une proposition de consensus acceptable.»
L'Italie et l'Allemagne interdisent l'usage des pesticides incriminés pour le maïs seulement. Quant à la Slovénie, elle les a bannis il y a trois ans pour traiter les plantes qui attirent les abeilles. La France a retiré l’été dernier l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du Cruiser OSR utilisé en traitement de semences pour le colza, mais il reste autorisé pour le maïs. «Alors même que 35% de notre alimentation provient de plantes fécondées par la pollinisation et que l’on assiste à une accélération dramatique de la perte de biodiversité, il est urgent de prendre une mesure de simple bon sens en interdisant ces produits» a estimé Jean-Paul Chanteguet.
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