Peste porcine africaine: un mystère belge
Le 06 juin 2019
Mi-septembre 2018, deux carcasses de sangliers porteurs de la peste porcine africaine étaient retrouvées en Belgique, à dix kilomètres de la frontière française. Si le mystère demeure quant à cette maladie venue d’Europe de l’est mais enjambant l’Allemagne, une enquête est toujours en cours dans le milieu de la chasse.
A l’origine de fortes mortalités chez les suidés (sangliers, porcs) mais sans danger pour l’homme, la peste porcine africaine était jusqu’alors restreinte à l’est de l’Europe. Détecté sur le sol européen en 2012, le virus s’est d’abord étendu de l’Ukraine à la Russie, avant d’entrer dans l’Union européenne en 2014 (Lituanie, Lettonie, Pologne), puis en 2017 en République tchèque et en Roumanie.
Sans que l’on sache quel chemin elle a emprunté, la maladie a été retrouvée mi-septembre 2018 chez deux carcasses de sangliers sur la commune wallonne d’Etalle, près de la frontière française. Face au péril économique pour la filière porcine, des mesures de prévention ont rapidement été mises en place. Notamment côté français, avec l’instauration d’une ‘zone blanche’ (Ardennes, Meuse, Meurthe-et-Moselle) au sein de laquelle tous les sangliers sont à abattre.
Les chasseurs fortement soupçonnés
Neuf mois après la découverte des carcasses belges, le débat se poursuit sur l’origine d’une maladie qui a épargné l’Allemagne. Seule certitude, l’homme n’y est pas étranger. Et les regards se sont rapidement tournés vers le milieu cynégétique. En cause, une possible introduction de sangliers polonais destinés à la chasse, pratique illégale en Belgique, explique Lionel Delvaux, chargé de mission «agriculture et biodiversité» de l’association Inter-environnement Wallonie (IEW).
Début février, quatre personnes ont ainsi été placées en garde à vue. Si deux ont été rapidement libérés, deux autres sont restés en détention, avant d’être libérés sous conditions, l’un (un chasseur) fin février, l’autre (chasseur et garde-privé à Buzenol, dans la commune d’Etalle) fin mars. Les deux hommes sont soupçonnés d’avoir participé à un trafic de sangliers originaires des pays de l’est, pratique interdite en Belgique.
Un nourrissage pas très net?
Une autre pratique cynégétique pourrait avoir entraîné l’apparition de la maladie chez les sangliers belges, en l’occurrence le nourrissage du grand gibier. Celui-ci est en effet permis au sud du sillon Sambre et Meuse (pas au nord), mais uniquement à base de foin de graminées et/ou de légumineuses.
Or certains chasseurs recourraient illégalement à des déchets alimentaires, certains issus de restaurants, ce qui pourrait avoir facilité la transmission, par exemple via de la viande de porc contaminée, suggère Lionel Delvaux. Par ailleurs, le nourrissage, fortement critiqué par les associations, est soupçonné de favoriser la densité de sangliers, donc la transmission épidémique.
Sandwich polonais et militaires en goguette
Contacté par le JDLE, Benoît Petit, président du Royal Saint-Hubert Club (principale association belge de chasseurs), estime que la possibilité d’une importation de sangliers infectés ne tient pas la route. En cause: un sanglier malade ne survivrait pas le temps du voyage. «L’enquête poursuit son cours, mais il n’y a rien du tout, c’est une machination judiciaire», juge-t-il.
Autre piste évoquée par les autorités, lors de l’apparition des deux premiers cas, celle de déchets alimentaires abandonnés par des routiers d’Europe de l’est lors d’un passage par la Belgique, par exemple via un sandwich au jambon abandonné sur une aire d’autoroute.
Benoît Petit soupçonne par ailleurs une base militaire sur la commune d’Etalle, dont des soldats se sont rendus «en opération au printemps en Lettonie et en Estonie», tandis que des militaires tchèques seraient venus s’y entraîner. Une hypothèse peu crédible selon Lionel Delvaux, qui reconnaît qu’il est «difficile de savoir où sont les responsabilités».
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