Paradise Papers: pourquoi le prince Charles aime tant la forêt tropicale
Le 10 novembre 2017 par Valéry Laramée de Tannenberg
Dan Marsh
L’héritier de la couronne d’Angleterre a milité en faveur des crédits carbone forestiers après avoir investi dans une entreprise spécialisée dans ce commerce, immatriculée aux Bermudes.
Financiers, entrepreneurs et rentiers qui spéculent sur l’exploitation des ressources naturelles cherchent, eux aussi, à masquer leurs circuits financiers. Depuis quelques jours, les membres du consortium international des journalistes d’investigation (Ciji) font pleuvoir des documents décrivant les pratiques, pas toujours avouables, d’optimisation fiscale de grandes entreprises et de célébrités.
De l’agro bio aux forêts pluvieuses
Parmi elles, figure le prince Charles. Bien connu pour ses positions en faveur de l’agriculture bio (qu’il pratique), la biodiversité ou la lutte contre le changement climatique, l’héritier du trône du Royaume-Uni n’hésite pas, comme la reine sa mère, à investir dans les paradis fiscaux. Les «Paradise Papers» montrent ainsi que Charles d’Angleterre a utilisé une (modeste) partie des revenus de son duché de Cornouaille pour devenir actionnaire d’une compagnie financière immatriculée dans les îles Bermudes, un paradis fiscal.
Un marché difficile
Créé par le banquier Hugh van Cutsem, un intime du prince, la Sustainable Forestry Management Ltd (SFM) ambitionne d’investir le commerce de crédits carbone forestiers. Un marché difficile en raison de la faible demande et surtout des restrictions mises en place, tant par l’ONU (dans le cadre du mécanisme de développement propre, MDP) que par l’Europe (dans le cadre du système communautaire d’échange de quotas, l’ETS).
Donner une vraie valeur à la forêt
Hasard du calendrier, bien sûr, quelques semaines après que le duché de Cornouaille a investi dans SFM, le prince de Galles commence à militer en faveur des crédits carbone forestiers. Le 2 juillet 2007, il appelle à une réforme de l’ETS et lance un appel aux marchés financiers pour «développer un nouveau marché de crédits qui donne une vraie valeur aux services écosystémiques et climatiques que les forêts pluvieuses fournissent au reste du monde».
Des protecteurs bien connus
En octobre, le duc de Rothesay lance son Rainforest project «pour aider la communauté mondiale à établir la vraie valeur des forêts». L’initiative est largement soutenue par des protecteurs bien connus des forêts tropicales: Shell, Rio Tinto, McDonald’s, Morgan Stanley, Goldman Sachs, Deutsche Bank, Man Group, KPMG, Barclays Bank, Finsbury et la bourse européenne du carbone, l’ECX.
La main visible du marché
En février 2008, devant 150 députés européens, le comte de Carrick esquisse ce que devrait être selon lui le futur marché communautaire du carbone. «Je nourris le vœu que la prochaine version de l’ETS, que ce soit par le produit de la vente aux enchères des quotas ou par tout autre mécanisme, puisse aider, via une main très visible du marché, à maintenir en l’état les forêts pluvieuses.»
Ce ne sera finalement pas le cas. En juin 2008, la crise financière oblige le Seigneur des îles à vendre les 50 parts qu’il détenait dans SFM, pour 325.000 dollars (278.000 €): le triple du prix d’achat. Et net d’impôt. By Jove!
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