PAC : les Français veulent protéger l’environnement et les agriculteurs
Le 24 juin 2020 par Stéphanie Senet
Remis le 19 juin au ministère de l’agriculture, le compte-rendu d’étape du débat public sur la politique agricole est publié ce 24 juin. Il envoie un signal très clair en faveur de la protection de l’environnement et des agriculteurs.
Réussira-t-il à mettre son grain de sel dans le Plan stratégique national (PSN) pour la politique agricole commune (PAC) 2021-2027 que prépare actuellement le ministère de l’agriculture ? La commission particulière de ce débat lancé le 23 février a pris les devants. «Nous avons exceptionnellement publié un rapport d’étape pour respecter le calendrier de préparation du PSN malgré l’arrêt du débat public imposé le 3 avril par la crise sanitaire», explique au JDLE Ilaria Casillo, présidente de la commission. Le ministère de l’agriculture doit en effet arrêter début septembre les objectifs du plan français, tandis que le débat public –le premier du genre en France- ne sera clôturé qu’à l’automne (et non plus le 31 mai). «Le ministère s’est engagé oralement à répondre aux objectifs retenus par les citoyens», poursuit-elle.
1/ Gérer durablement les ressources naturelles
2/ Protéger durablement la biodiversité, les paysages et les écosystèmes
3/ Lutter contre le changement climatique et s’y adapter
4/ Rééquilibrer les rapports de force dans la chaîne de valeur
5/ Répondre aux attentes sociétales sur l’alimentation, la santé et le bien-être animal
6/ Attirer les jeunes agriculteurs
7/ Assurer un revenu juste et soutenir la résilience du secteur
8/ Redynamiser les espaces ruraux
9/ Modernisation, transition numérique et innovation
10/ Renforcer la compétitivité
Un plébiscite pour l’environnement…
Les Français devaient justement s’exprimer sur ces 10 objectifs listés par la Commission européenne pour la future PAC, en les classant de «très prioritaire» à «pas du tout prioritaire» (cf. encadré). Cette méthode permet de définir des «zones de convergence» et de sortir du traditionnel schéma «pour ou contre».
A travers 7.409 réponses enregistrées en près de six semaines (du 23 février au 3 avril), les citoyens ont clairement mis en avant la gestion durable des ressources naturelles (très prioritaire pour 87%), la protection de la biodiversité, des paysages et des écosystèmes (très prioritaire pour 86%) et l’adaptation au changement climatique (très prioritaire pour 84%). Un plébiscite en écho aux propositions agricoles et alimentaires avancées le 21 juin par la convention citoyenne pour le climat.
… et pour l’agriculteur
Autre conclusion : «l’agriculteur n’est pas présenté comme le problème mais comme la solution pour y parvenir puisque la quatrième objectif choisi par les Français est de rééquilibrer la chaîne de valeur en faveur de l’agriculteur», relève Ilaria Casillo. Cette conclusion bat en brèche le prétendu «agri-bashing» dont une partie du monde agricole se dit victime.
"Les citoyens ont pris conscience de l'importance du métier de paysan autant que de la nécessaire préservation de l'environnement. La dynamique était là mais elle est enfin montée dans le débat public", note Mathieu Courgeau président du collectif Pour une autre Pac et éleveur laitier en Vendée.
En dixième et dernière position, le renforcement de la compétitivité du secteur obtient clairement le moins de soutien des citoyens. Il est jugé «pas du tout prioritaire» pour 49% des citoyens et «peu prioritaire» pour 29%.
127 propositions
Deuxième apport intéressant de cette consultation: 127 propositions ont été tirées des nombreux avis et commentaires déposés sur le site internet, avant l’épidémie et pendant les quinze premiers jours du confinement. «Ces propositions montrent que les plus fortes préoccupations concernent les zones de non-traitement, l’agriculture biologique, une nouvelle distribution des aides de la PAC en faveur des actifs plutôt que des hectares et un statut revalorisé de l’agriculteur via la création d’un MBA par exemple», observe Ilaria Casillo. "Cette redistribution est essentielle pour revaloriser le revenu agricole. Aujourd'hui, un petit maraîcher bio ne touche quasiment rien de l'Union européenne contrairement à un éleveur bovin", ajoute Mathieu Courgeau d'Une autre PAC.
Autres thèmes saillants : la cohabitation en milieu rural, la valorisation du local, les aléas climatiques, le bien-être animal, les conditions d’élevage, l’autorisation des OGM, la rémunération des agriculteurs, la conditionnalité des aides selon le principe de pollueur-payeur… «Le ton général est aux propositions constructives. Par exemple, les agriculteurs ne rejettent pas les zones de non-traitement mais proposent un dispositif pour leur gestion, par les aménageurs lorsqu’il s’agit de logements neufs situés à proximité de terres agricoles. Autre idée, la création d’un Fonds pour accompagner les agriculteurs à faire face aux aléas climatiques», observe la présidente de la commission.
Clivages nationaux
Le débat a aussi révélé les vieux clivages. «La question des modèles agricoles pour la France a suscité l’expression de positions très réfléchies, complètes et souvent très arrêtées», selon la Commission du débat qui note que deux visions s’affrontent : les promoteurs d’un changement profond du système, et notamment l’arrêt du système intensif, garant d’une réelle transition agroécologique et les partisans d’une adaptation graduelle, sans remise en cause du modèle intensif.
Le deuxième clivage touche au recours aux pesticides, y compris utilisé en agriculture bio. D’un côté, ceux qui pensent qu’ils sont nécessaires pour produire une nourriture abondante, saine et contrôlée. De l’autre, les fans de l’agroécologie proposent de les réduire au maximum, avec des résultats probants pour une alimentation plus saine.
A suivre en ligne et en salles
Momentanément interrompu, le débat sera officiellement relancé le 10 septembre, sur le site (dépôt d’avis et commentaires) et au sein de débats organisés en région ou à la maison (un kit est mis à disposition). Par ailleurs, l’assemblée citoyenne sur l’agriculture (ACA), constituée de 140 personnes tirées au sort sur le modèle de la convention citoyenne pour le climat, se tiendra le week-end du 25 septembre. Le compte-rendu sera ensuite officiellement remis au ministère dans les deux mois, qui a l’obligation légale d’y répondre point par point, avant de rendre sa copie à Bruxelles –pour validation- d’ici la fin de l’année. Le verdict n’est pas peut-être pas déjà tombé.
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