Neutralité carbone: une climatologue recadre Air France
Le 27 juillet 2020 par Valéry Laramée de Tannenberg
Pour Valérie Masson-Delmotte, la communication climat du transporteur aérien est à la limite du greenwashing.
Ce n’est pas parce que la plupart de ses avions sont cloués au sol qu’Air France veut mal faire les choses. Depuis qu’il a accepté des contreparties environnementales aux 7 milliards d’aides publiques, le transporteur fait feu vert de tout bois. A commencer par la promesse faite de supprimer les vols intérieurs pouvant concurrencer des liaisons en TGV de 2 h 30. Mauvaise pioche: des liaisons Paris Bordeaux ou Paris Lyon sont toujours en service. Ce n’est pas tout.
Sur son site internet, la compagnie française explique qu’elle «neutralise» les émissions carbonées de ses avions en achetant des crédits carbone émis par le World Wild Fund, Verra ou CCBA. Ces crédits sont émis généralement après plantation ou restauration de forêts absorbeuses de CO2.
forêt et transition énergétique
Air France souligne aussi que: «les experts du climat, et notamment le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), soutiennent le principe qu'une quantité de CO2 émise à un endroit peut être compensée par des programmes en faveur de la captation carbone – notamment forestière – et de la transition énergétique, développés ailleurs sur la planète.» La formulation fait bondir Valérie Masson-Delmotte.
Dans une série de twitts, la paléoclimatologue (IPSL/LSCE) rappelle que pour le Giec, «la neutralité carbone implique que chaque émission de CO2 dans l’atmosphère soit effacée par une élimination de la même quantité de CO2, retirée de l’atmosphère et stockée de manière durable.» Ce que les scientifique ou les négociateurs d’Accord de Paris, appellent les «émissions négatives».
quid des traînées de condensation
Or, souligne la co-présidence du groupe 1 du Giec, «ni la déforestation évitée, ni les investissements dans les énergies bas carbone ne correspondent à cela.» De plus, rien n’indique que planter des arbres permet effectivement de stocker le carbone durablement. Selon que l’on utilisera, par la suite, les grumes comme bois d’œuvre ou de chauffe, l’impact sur le climat sera différent.
Last but not least, Valérie Masson-Delmotte déplore que les programmes de neutralité carbone d’Air France ne prennent pas en compte l’impact sur le climat des traînées de condensation de ses avions de ligne, pratiquement égal à celui du gaz carbonique.
Les passagers consciencieux pourront toujours conforter la démarche d’Air France en prenant un abonnement auprès de Climeworks. Moyennant quelques euros par mois, l’industriel suisse est le seul, pour le moment, à véritablement extraire du dioxyde de carbone de l’atmosphère pour le stocker dans le sol … d’une serre agricole.
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