NDDL: les dernières palabres avant la décision
Le 05 janvier 2018 par Marine Jobert

Pendant que Matignon reçoit les élus de tout le Grand-Ouest –pour les préparer à l’abandon du projet?- les opposants murissent l’après-décision, pour tenter de sortir sans violence et par le haut d’une décennie de lutte.
Il n’y a guère que les opposants au projet de Notre-Dame-des-Landes qui ne seront pas officiellement reçus à Matignon dans les 7 jours qui viennent. Car Edouard Philippe consulte en grand, territoire par territoire. Ce 5 janvier, les sénateurs[1] et députés de Loire-Atlantique ont ouvert le bal, suivis des maires et présidents d’intercommunalités impactées par le projet d’aéroport du Grand-Ouest. La semaine prochaine, c’est la Bretagne qui sera reçue rue de Varenne. Tous les parlementaires, présidents de conseils départementaux et maires des principales agglomérations d’Ille-et-Vilaine, Morbihan, Mayenne, Maine-et-Loire et Vendée sont également conviés à rencontrer le Premier ministre, Nicolas Hulot et Elisabeth Borne. Un périmètre qui couvre précisément celui qu’avaient réclamé, en vain, les détracteurs de la consultation organisée en juin 2016 sur le seul département de Loire-Atlantique (et les régions évincées-), au nom de la cohérence régionale.
Des «entretiens», selon la terminologie de Matignon, qui interviennent trois semaines après la restitution du rapport des trois médiateurs, aux conclusions plutôt défavorables à la construction d’une nouvelle infrastructure dans le bocage nantais. «Je vais pouvoir entendre les élus locaux et régionaux sur leur conception de ce qu’il faut faire et ne pas faire, mais aussi sur la façon dont ils interprètent le rapport», a indiqué Edouard Philippe dans un entretien à France 2. Il ne sera pas déçu du voyage: Jean-Claude Lemasson, maire de Saint-Aignan-de-Grand-Lieu et reçu le 12 janvier avec les autres élus membres du bureau du syndicat mixte aéroportuaire du Grand-Ouest, entend bien pointer les impasses du texte, a-t-il expliqué sur BFMTV. Cette «ultime réunion ne sert strictement à rien, sauf peut-être à nous préparer à une décision qui serait mauvaise, et je ne veux pas!», a déclaré le sénateur socialiste Yannick Vaugrenard sur France Bleu Loire Océan. Il a boycotté le rendez-vous.
Copier le Larzac
Le sort réservé à la ‘zone à défendre’ (ZAD), en cas d’abandon du projet semble cristalliser les passions, tant du côté de ceux qui voudraient voir expulsées de cette ‘zone de non-droit’ les 200 à 300 personnes qui y vivent à l’année que de celui des opposants, historiques ou plus récents, qui n’entendent pas abandonner un territoire et des terres agricoles qu’ils travaillent et font vivre. Dans l’appel à rassemblement lancé pour le 10 février prochain, les associations opposantes proposent que «les terres (…) soient prises en charge par une entité issue du mouvement de lutte qui rassemblera toutes ses composantes. Que ce soit donc le mouvement anti-aéroport -et non les institutions habituelles- qui détermine l’usage de ces terres.» Une esquisse de ce que le Larzac a inauguré après l’abandon de l’extension du camp militaire, quand les 6.378 hectares détenus par l’Etat ont été concentrés en 1985 entre les mains des paysans du plateau, dans le cadre d’un bail emphytéotique, renouvelé récemment pour 99 ans. Les opposants à NDDL souhaitent que les quelque 1.000 ha détenus par l’Etat «aillent à de nouvelles installations agricoles et non agricoles, officielles ou hors cadre, et non à l’agrandissement».
La réouverture de la D281
Mais alors que d’aucuns manient avec véhémence la question du «retour à l’ordre public», un autre point de crispation se dessine: la réouverture d’une départementale qui traverse la ZAD. A fort enjeu stratégique pendant l’opération policière ‘César’ de 2012, elle avait été fermée par le conseil général en septembre 2013. La D 281 est aujourd’hui praticable, à condition de respecter les chicanes artisanales semées par les occupants. Faut-il lui conserver sa fonction défensive, en cas de retour des forces de l’ordre? Les discussions sont tendues entre les entités anti-aéroport. Dans une récente tribune, des membres des Naturalistes en lutte estimaient, soutenus par l’Acipa[2], que «le non-rétablissement de la circulation deviendrait le prétexte facile à l’intervention dont rêvent certains. (…) Partout en France, des citoyens se sont battus contre la privatisation des accès. Commencer une aventure collective en refusant le passage à tous ne serait pas digne des idées défendues par le mouvement.»
[1] A l’exception des sénateurs Yannick Vaugrenard (PS), Michelle Meunier (PS) et Joël Guerriau (UDI), qui ont boycotté la réunion.
[2] Acipa: Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes
[3] Cdépa: Collectif d'élus doutant de la pertinence de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes
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