Moins de vie privée vs. une meilleure santé publique?
Le 19 octobre 2017 par Marine Jobert

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Lire les plaques d’immatriculation, c’est entrer dans la vie privée des automobilistes. Mais c’est aussi se donner des moyens pour réduire la circulation routière, et donc améliorer la santé publique, en expérimentant des ‘péages positifs’. Ce projet de la métropole lilloise, testé avec succès aux Pays-Bas, achoppe sur ce dilemme.
Payer des automobilistes pour qu’ils renoncent à leur voiture à certaines heures… C’est le dispositif, à l’œuvre à Rotterdam, que souhaiterait expérimenter la métropole européenne lilloise (MEL). Et ce en ayant recours à une technologie éprouvée dans plusieurs agglomérations européennes: la lecture automatisée de plaques d’immatriculation (LAPI). Mais une mission conjointe de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) vient de doucher les espérances des élus nordistes. Dans leur rapport, les hauts fonctionnaires recommandent tout bonnement d’abandonner cette technique, incompatible à ce stade avec le respect de la vie privée et limitée à la recherche d’infractions. «Ce qui a été possible à Rotterdam ne l'est donc pas, en tout cas pas dans les mêmes termes, en France», constatent-ils.
2,1 milliards par an du PIB régional
Mais la lutte contre les bouchons, pour laquelle la MEL s’apprête à débourser 3,3 millions d’euros sous forme ‘d’Ecobonus mobilité’ (2 euros par trajet évité), peut être menée par d’autres moyens, assurent le CGEDD et l’IGA. Car l’enjeu est de taille: le coût du temps perdu dans les embouteillages est estimé à 2,1 Md€ par an, soit 1,4% du produit intérieur brut (PIB) régional. A cela s’ajoutent des conséquences indirectes sur l’environnement difficilement quantifiables: pollution de l’air, impact sur la santé des populations lié à cette pollution et au stress. L’exemple néerlandais est appétant: les deux phases-tests menées à Rotterdam ont conduit à une baisse de la congestion du trafic de 8% sur l’agglomération, permettant d’infléchir durablement les habitudes des participants, même après la clôture du dispositif d’incitation.
Recrutement de volontaires
Parmi les pistes explorées pour mettre en œuvre cet Ecobonus mobilité: le recrutement de volontaires par voie de presse et par un mailing à l'ensemble des propriétaires de véhicules dans l'agglomération (600.000) ou bien à travers les employeurs, privés ou publics de l'agglomération. «Afin d'éviter les candidatures d'opportunité et les risques de fraude, une période-test serait prévue au cours de laquelle les volontaires démontreraient sur un ou plusieurs mois qu'ils sont des usagers habituels des tronçons routiers aux horaires d'encombrement», préconise le rapport. Et c’est dans ce cadre seulement qu’il serait «éventuellement possible» d'utiliser un système de LAPI, sur la base du volontariat des automobilistes, en effaçant automatiquement toutes les autres plaques d'immatriculation. La technique du boîtier GPS, déjà expérimentée dans le Grand-Paris (voir encadré) peut également être envisagée.
Santé et environnement, impératifs suffisants?
Faut-il donc abandonner tout espoir de voir un jour la Commission nationale Informatique et Libertés (Cnil) autoriser le recours au LAPI pour réguler la circulation? Il serait nécessaire, imaginent les auteurs, d’élargir la base légale de LAPI à des fins environnementales ou sanitaires. Une possibilité qui paraît, en l’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, «assez hypothétique. (…) Il faudrait alors démontrer que de nouveaux enjeux environnementaux justifient d’élargir le champ de collecte et de traitement de données personnelles sans le consentement des citoyens.» L’entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données personnelles sera l’occasion de proposer, si nécessaire, d’éventuelles adaptations, concluent-ils.
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