Les éleveurs lozériens attaquent le Plan Loups en justice
Le 08 octobre 2013 par Marine Jobert
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Il s’agit de la première riposte juridique engagée par des éleveurs confrontés à des attaques de loups sur leurs terres.
Le Collectif des éleveurs de la région des Causses de la Lozère et de leur environnement (le Cercle), constitué à l’automne 2012 par des éleveurs situés autour du mont Lozère et sur le causse Méjean, vient de déposer un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat. Objectif: obtenir l’annulation des trois arrêtés mettant en musique le plan Loup 2013-2017. «Il semble que la protection nécessaire des loups entre en contradiction avec la protection, tout aussi nécessaire, de l’élevage», estime le Cercle dans le mémoire déposé par leur avocat Régis Constans et que Le Journal de l’Environnement a pu consulter. «La question principale est de déterminer la position du curseur entre ces deux préoccupations. Or, en la matière, les éleveurs estiment, à juste titre, que leurs intérêts ne sont pas pris en compte à la hauteur de ceux de la préservation des loups.» Le débat est lancé.
Traitement uniforme
Sur la légalité externe des arrêtés, les éleveurs considèrent classiquement que la compétence des signataires n’est pas établie, que les mesures de dérogation à l’interdiction de destruction des loups doivent être prévues par un décret en Conseil d’Etat qui n’est pas mentionné en l’espèce, et que ces arrêtés sont affectés d’un défaut de base légale.
Sur le fond, ils font valoir que le mécanisme de dérogation à l’interdiction de destruction de loups «est totalement dépourvu de cohérence avec la réalité de la situation des loups en France». Notamment compte tenu du fait que les caractéristiques du pastoralisme diffèrent d’une région à l’autre. «Or l’arrêté du 15 mai 2013 apporte une réponse unique aux questions distinctes qui se posent dans les différentes régions», déplorent-ils. Eux plaident plutôt pour l’instauration de «zones d’exclusion des loups», car dans certaines zones –comme la Lozère– «l’on constate des dommages importants à l’activité pastorale, et le mode d’élevage (activité pastorale extensive) rend inefficaces toutes les mesures de protection des troupeaux».
Rupture d’égalité
Enfin, les éleveurs font valoir qu’une «grande partie» des zones dans lesquelles le loup est revenu ne seraient pas couvertes par le dispositif de dérogations à l’interdiction de destruction des loups. La situation particulière de la Lozère, comprise en partie par le parc national des Cévennes[1], explique cette spécificité. «Cela crée donc une zone, dans laquelle les ‘activités agricoles et pastorales’ sont autorisées, mais au sein de laquelle aucune mesure de protection des troupeaux contre les attaques de loups ne peut être mise en œuvre.» De fait, plaident-ils, la rupture d’égalité entre citoyens est consommée. «S’agissant d’un même loup, s’attaquant à un même troupeau, l’éleveur va se trouver dans une situation où il devra adopter un comportement différent selon qu’il est à un endroit ou à 50 mètres de là, à l’intérieur des limites du cœur du parc», exposent-ils. Enfin, les éleveurs estiment que la réglementation européenne –avec la convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe- est obsolète dans le contexte actuel, le loup étant de nouveau implanté en France, dans un état de conservation satisfaisant.
[1] Le conseil d’administration du parc national des Cévennes a pris, en octobre 2012, une résolution tendant à demander la modification de la législation nationale afin de permettre les tirs de défense contre les loups, y compris dans la zone cœur du parc.
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