Le thon de plus en plus chargé au mercure?
Le 06 février 2015 par Romain Loury
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Dans l’océan Pacifique, le thon albacore, celui utilisé dans nos sushi, s’avère de plus en plus chargé en mercure, révèle une étude américaine publiée dans la revue Environmental Toxicology and Chemistry. Au risque de le rendre impropre à la consommation d’ici trois décennies.
Du fait des dépôts atmosphériques, en grande partie liés à la pollution industrielle, le mercure ne cesse de s’amasser dans les océans. Fortement toxique, notamment pour le développement cérébral des enfants, ce métal lourd se concentre en haut de la chaîne alimentaire, par le phénomène de bioaccumulation.
En 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) conseillait ainsi aux femmes enceintes, allaitantes et aux enfants de moins de 3 ans de limiter la consommation de plusieurs poissons prédateurs sauvages, dont le thon, et même d’éviter l’espadon, le marlin ou la lamproie.
Or si d’anciennes études menées chez le thon n’ont pas révélé d’augmentation significative du taux de mercure au cours du XXème siècle, celle publiée par Paul Drevnick, de l’université du Michigan à Ann Arbor, et ses collègues montre que la situation a peut-être changé ces 20 dernières années.
+3,8% par an
Les chercheurs ont pour cela analysé 229 échantillons de thon albacore, ou thon jaune, pêchés à Hawaï en 1971, 1998 et 2008. Si le mercure reste plutôt stable entre 1971 et 1998, l’équipe note une nette augmentation par la suite, de 0,218 partie par million (ppm) en 1998 à 0,336 ppm en 2008.
Au vu du faible nombre d’échantillons en 2008 -seulement 14-, les chiffres sont certes à prendre avec des pincettes, mais la tendance était significative d’un point de vue statistique.
Depuis 1998, le taux de mercure chez le thon aurait donc augmenté d’au moins 3,8% par an, rythme plus rapide que celui du dépôt dans les océans, du fait de la bioaccumulation. Selon nos calculs, le thon atteindrait la limite réglementaire de 1 ppm en 30 ans, si la hausse se poursuit à ce rythme-là.
Selon Paul Drevnick, «le taux de mercure augmente au niveau mondial dans les eaux océaniques, et notre étude est la première à révéler une hausse chez le poisson. Pour enrayer le phénomène, il faudra mener des politiques plus drastiques de réduction des émissions. Si les dépôts se poursuivent à ce rythme, le taux de mercure dans les eaux du Pacifique nord pourrait doubler d’ici 2050».
Signée en octobre 2013, la convention de Minamata prévoit entre autres l’interdiction, à partir de 2020, de l’utilisation du mercure dans de nombreux produits du quotidien, ainsi que la réduction des rejets industriels (centrales électriques au charbon, cimenteries, orpaillage) (voir le JDLE).
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