Le riz appauvri par le CO2
Le 24 mai 2018 par Romain Loury

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En raison de la hausse du taux de dioxyde de carbone (CO2), le riz pourrait voir sa qualité nutritionnelle fortement diminuer, révèle une étude publiée dans la revue Science Advances. De quoi compromettre l’alimentation des 600 millions de personnes, vivant surtout en Asie du sud-est, qui en tirent plus de la moitié de leurs calories quotidiennes.
Plusieurs études l’ont montré: les céréales verront leur composition nutritionnelle s’appauvrir du fait de la hausse de CO2. En particulier les plantes dites «en C3»[i] (blé, riz), dont le contenu protéique est sous étroite dépendance de la teneur atmosphérique en CO2. Les plantes «en C4», dont le maïs et le sorgho, y sont en revanche peu sensibles -ce qui ne les mettra pas à l’abri des températures.
18 variétés testées
Dans leur étude, Chunwu Zhu, de l’Institut des sciences du sol à Nankin (Chine), et ses collègues montrent que l’effet sur le riz serait plus fort qu’attendu, et qu’il n’aurait pas trait qu’au taux de protéines. Grâce à la technique FACE (Free AIR CO2 Enrichment, qui consiste à injecter du CO2 dans l’air grâce à des tuyaux plantés en bordure de champ), les chercheurs ont soumis 18 variétés de riz à des taux de CO2 compris entre 558 et 590 ppm -contre environ 400 ppm actuellement-, taux qui pourrait être atteint d’ici à la fin du siècle.
Un riz moins vitaminé
En moyenne sur l’ensemble des variétés testées, les résultats montrent des réductions de 10,3% de la teneur protéique, de 8% du taux de fer, de 5,1% du taux de zinc. Les effets sont encore plus marqués pour les protéines, en particulier les vitamines B1 (thiamine, -17,1%), B2 (riboflavine, -16,6%), B5 (acide pantothénique, -12,7%), B9 (acide folique, -30,3%). Les chercheurs n’ont en revanche pas noté de changement significatif pour le calcium et la vitamine B6, voire une hausse pour la vitamine E dans plusieurs variétés.
Malnutrition en vue
Au-delà des effets dramatiques de la hausse thermique sur l’agriculture, menace majeure pour la sécurité alimentaire, la hausse du CO2 pourrait encore accroître le risque de malnutrition. «Le riz n’est pas qu’une source importante de calories, c’en est aussi une de protéines et de vitamines, et ce pour de nombreuses personnes vivant dans les pays en développement, et même pour les populations défavorisées des pays développés», commente Kazuhiko Kobayashi, chercheur à l’université de Tokyo et co-auteur de l’étude.
Publiée en août 2017, une étude américaine montre que, sans hausse de la teneur en CO2, 15,1% de la population mondiale sera carencée en protéines en 2050, contre 12,1% actuellement. Si la teneur en CO2 s’élève à 500 ppm, 17% de la population mondiale manquera de protéines.
[i] Les plantes en C3 et en C4, ces dernières étant originaires des pays tropicaux, se distinguent par leur mode de fixation du CO2 atmosphérique.
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