Le préjudice d’anxiété pour l’exposition à des produits dangereux
Le 01 juillet 2016 par Marine Jobert
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Le préjudice d’anxiété a été reconnu pour des mineurs exposés à des produits cancérogènes. Une jurisprudence qui ouvre des perspectives. Mais attention à ne pas en abuser.
Le conseil de prud’hommes de Forbach (Moselle) a fait droit le 30 juin à la demande de 786 des 834 anciens mineurs qui réclamaient la reconnaissance de leur préjudice d’anxiété, pour avoir été exposés à deux substances cancérogènes[1] dans les mines de charbon. Une jurisprudence qui élargit un peu plus encore les circonstances pour lesquelles cette «situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’exposition» aux produits, peut être accueillie. Le préjudice d’anxiété a été pour la première fois appliqué pour l’exposition à l’amiante, dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 mai 2010.
Contexte tendu
Une décision qui intervient dans un contexte «tendu», rappelle pour Le journal de l’environnement Jean-Paul Teissonnière, l’avocat à l’origine de cette création jurisprudentielle. En effet, la Cour de cassation estime que seuls les travailleurs dont l'établissement figure sur la liste de ceux susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) peuvent faire valoir leur anxiété. «Il ne s’agissait pas ici de faire appliquer le préjudice d’anxiété tel que défini pour les travailleurs de l’amiante, détaille Jean-Paul Teissonnière. Mais de considérer qu’il existe d’autres catégories professionnelles, dont la population est très circonscrite, qui sont victimes d’une exposition sans équivalent avec d’autres.» Ainsi des mineurs, qui déclenchent 124 fois plus de maladies professionnelles que la population générale.
Epée de Damoclès
«Vu la façon dont est tournée la décision, tous les salariés exposés à des cancérigènes sont concernés», a estimé François Dosso, responsable CFDT Mineurs. Attention à ne pas «banaliser le préjudice d’anxiété, répond, plus mesuré, l’avocat des mineurs. Ce serait le tuer.» En février 2015, 10 mineurs de fer[2] avaient vu leur préjudice d’anxiété reconnu par le conseil des prud’hommes de Longwy (Moselle) pour avoir été exposés à de nombreux produits cancérogènes au cours de leur carrière. Cette affaire a été plaidée il y a quelques jours devant la Cour d’appel de Nancy, mais depuis 2015, 4 des 10 plaignants ont déclenché des maladies. «L’épée de Damoclès que constituait la survenue de la maladie s’est décrochée», résume Jean-Paul Teissonnière.
[1] Des poussières nocives et le formol utilisé dans les résines de consolidation, et ce sans respecter les valeurs-limites d'exposition préconisées et la protection individuelle fournie.
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