Le nord de l’Inde rendu invivable par le réchauffement
Le 21 août 2017 par Romain Loury
Sans atténuation des émissions de gaz à effet de serre, une grande partie du nord de l’Inde, parmi les zones les plus peuplées au monde, pourrait devenir invivable d’ici à la fin du siècle, révèle une étude publiée début août dans la revue Science Advances.
Dans un monde en réchauffement, le risque de canicule progresse : d’ici à 2100, 75% de la population mondiale pourrait ainsi être confrontée chaque année à de dangereuses vagues de chaleur, contre un tiers des Terriens actuellement, révélait une étude publiée en juin. Parmi les régions les plus menacées, le sous-continent indien (Inde, Pakistan, Bangladesh, etc.), qui regroupe un cinquième de la population mondiale.
Certaines zones du nord de l’Inde pourraient même devenir tout simplement invivables, révèle l’équipe d’Elfatih Eltahir, du Massachusetts Institute of Technology (Boston). Délaissant la température, les chercheurs ont opté pour une mesure appelée «température du thermomètre mouillé», ou «température humide», qui tient compte aussi bien de la température que de l’humidité.
Un seuil de survie à 35°C
La température humide est celle atteinte par un volume d’air lorsque de l’eau y est vaporisée. Inférieure ou égale à la température réelle, elle reflète mieux les réactions de l’organisme à la chaleur: face à une température et une humidité élevées, l’organisme ne peut plus réguler sa température interne par évaporation de la transpiration, ce qui conduit à la mort des individus, même les mieux portants, en quelques heures. A ce jour, la limite de survie, estimée à 35°C, n’a jamais été atteinte, mais elle a été frôlée en 2015 à Bandar-e Mahshahr, ville de l’ouest de l’Iran.
Or selon les modélisations climatiques menées par les chercheurs, un scénario tendanciel (RCP8.5, sans atténuation des émissions) pourrait conduire à dépasser ce seuil de température humide dans plusieurs régions du sous-continent indien, en particulier le nord-est de l’Inde, la vallée du Gange, le nord du Bangladesh et la vallée de l’Indus au Pakistan.
Selon les chercheurs, environ 4% de la population du sous-continent indien pourrait être confrontée à ce seuil mortel au moins une fois au cours de la période 2071-2100, en cas de scénario RCP8.5. Les villes de Lucknow (Uttar Pradesh) et de Patna (Bihar), qui comptent respectivement 2,9 et 2,2 millions d’habitants, devraient être les plus touchées.
Un «risque extrême» au-dessus de 31°C
La limite de 31°C, qui engendre un «risque extrême» pour la population, pourrait aussi devenir plus fréquente qu’elle ne l’est actuellement: 75% de la population du sous-continent indien pourrait y être confrontée au moins une fois entre 2070 et 2100, contre seulement 15% de nos jours et 55% sous un scénario RCP4.5 –qui équivaut à une hausse de 2,25°C de la température mondiale moyenne, au-delà de l’objectif fixé par l’accord de Paris.
Selon les chercheurs, 30% de la population étudiée devrait connaître une température humide supérieure à 31°C une fois tous les deux ans, contre 0% actuellement et 2% avec un scénario RCP4.5.
Mousson et irrigation
Le sud de l’Asie est particulièrement exposé à ce risque de canicule mortelle du fait de la mousson d’été, qui apporte de l’air chaud et humide, mais aussi à cause de l’évaporation de l’eau utilisée dans l’agriculture irriguée, rappelle l’équipe.
Lors d’une étude publiée en 2015, les chercheurs avaient affirmé que le golfe Persique serait la région du monde aux canicules les plus extrêmes. L’impact humain y sera toutefois moins marqué qu’en Asie du sud: la population y est moindre, son niveau économique plus élevé, et les températures extrêmes devraient surtout survenir en mer.
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