Le Giec s’attaque au 1,5°C
Le 26 août 2016 par Valéry Laramée de Tannenberg

Nasa/Giss
Mandaté par la COP 21, le Giec prépare la rédaction d’un rapport spécial sur les conséquences planétaires d’un réchauffement à 1,5°C. Ce rapport, qui doit être publié en 2018, suscite déjà des débats scientifiques.
C’est un travail qui ne met pas forcément les climatologues à l’aise. Le 12 décembre dernier, la COP 21 a appelé le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) à publier d’ici 2018 un rapport «sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels et les profils connexes d’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre».
Invitation vaut injonction
Cette invitation, comme l’on dit joliment en langage diplomatique, vaut injonction. Bien qu’ils y soient parfois contraints (ceux du Giec, en particulier), les scientifiques n’aiment pas trop que les politiques leur disent quoi faire.
Après la conclusion de l’Accord de Paris, bon nombre de climatologues avaient l’impression que les politiques, ne sachant que faire pour atteindre les objectifs qu’ils avaient eux-mêmes fixés, se tournaient vers les scientifiques comme un dernier recours. «Or, ça n’est pas notre travail d’établir des politiques. Stabiliser le réchauffement à 1,5°C demandera des transformations profondes que les politiques sont les seuls à pouvoir décider», rappelle Valérie Masson-Delmotte, vice-présidente du groupe 1 du Giec.
Mais puisque l’ONU et les pays bailleurs de fonds le demandent…
600 candidats
Ce rapport sera donc un rapport spécial du Giec. Ce qui promet une publication d’environ 300 pages. Presque un livre de poche, au regard des standards éditoriaux du réseau scientifique[1]. Dans la torpeur du mois d’août, le Giec a organisé deux réunions préparatoires à Genève. En sont sortis une sélection de 85 experts qui encadreront la rédaction (sur 600 candidats!) et un projet de canevas[2]: les éléments de contexte politique, les réponses d’un climat chauffé à 1,5°C et leurs impacts, les trajectoires d’amélioration compatibles avec l’objectif de 1,5°C, la mise en œuvre des solutions possibles.
Ce faisant, les chercheurs devront aussi répondre à quelques questions basiques, du style: où fixer vraiment le réchauffement de 1,5°C. «C’est une question fondamentale. Car elle détermine les stratégies, les moyens et leur calendrier de mise en œuvre», souligne Valérie Masson-Delmotte.
Gare au prochain El Niño
Compte tenu des gaz à effet de serre déjà présents dans l’atmosphère, de leur durée de vie, du degré de réchauffement à mettre déjà à notre crédit, des puits de carbone (qui, à la faveur d’un événement, peuvent se transformer en émetteurs nets), sans oublier des phénomènes naturels susceptibles de réchauffer ponctuellement le climat, nous sommes, potentiellement, à deux doigts de la limite. «Nous pourrions, ponctuellement, l’atteindre lors du prochain gros épisode El Niño», confirme la paléoclimatologue française. Or, ce qui compte, ce n’est pas le (triste) record, mais la température moyenne. Ce qui nous laisse, sans doute, un peu de temps. Reste à savoir combien.
Autre écueil: tenter de faire converger les politiques climatiques et les objectifs de développement durable, adoptés en septembre 2015. Pas facile effectivement d’éliminer la faim dans le monde ni de garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement dans un monde dont le cycle de l’eau sera gravement perturbé -dans certaines régions- par le réchauffement.
[1] Les trois tomes du 5e rapport d’évaluation pèsent leurs 4.976 pages.
[2] Le sommaire définitif sera adopté lors de la prochaine session plénière du Giec, qui se tiendra du 17 au 20 octobre prochains, à Bangkok.
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