Le Conseil européen réintroduit les aides à la construction de navires
Le 19 juin 2019 par Stéphanie Senet

Le Conseil européen des ministres de la pêche a adopté, le 18 juin, de nouvelles subventions à la construction de navires qui avaient été supprimées en 2004.
La lutte contre la surpêche vient de faire machine arrière en Europe. Dans son orientation générale concernant la révision du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) entre 2021 et 2027, le Conseil européen du 18 juin a étendu le champ des opérations éligibles aux subventions à la construction de navires de moins de 24 mètres. Ces embarcations représentent 96% de la flotte européenne. Une mauvaise nouvelle pour les espèces halieutiques, dont 40% sont surpêchées en Atlantique du Nord-Est et 90% en Méditerranée. En comparaison, la Commission européenne proposait seulement d’aider de jeunes pêcheurs à acquérir des bateaux d’occasion de moins de 12 mètres utilisant des lignes, casiers ou filets calés. Le FEAMP, dont le montant total n’est pas encore arrêté, s’élève à environ 6 milliards d’euros pour 7 ans.
Aides à la modernisation
Autres mesures favorisant la surpêche: les aides à la modernisation pour changer de moteurs ont été maintenues (pour les bateaux dont la longueur est inférieure ou égale à 24 mètres) tandis que le contrôle par les Etats membres de la puissance du moteur a été supprimé. Pourtant, la Commission européenne affirme que la moitié des moteurs contrôlés dépasse la puissance autorisée.
«C’est un recul majeur. Le Conseil européen revient, de façon déguisée, sur l’interdiction des subventions à la construction de navires qui avait été adoptée en 2004 pour réduire la surcapacité de la flotte européenne», réagit WWF dans un communiqué.
Alliance entre la France, l’Espagne et l’Italie
Selon l’ONG Bloom, la France a joué un rôle majeur dans ce changement de cap, le gouvernement d’Edouard Philippe ayant fait alliance avec l’Espagne et l’Italie pour proposer de réintroduire et de maintenir des aides favorisant la surpêche. «Comment est-il possible de faire marche arrière à ce point en faisant fi des nombreux avis scientifiques et de la volonté des Etats membres de l’OMC[1] qui tentent depuis 20 ans de faire interdire ces subventions nocives ?», commente l’association dans un communiqué.
En décembre 2017, ces Etats se sont donnés jusqu’à fin 2019 pour trouver un accord contraignant au niveau mondial. «Ce que nous avons décidé, c’est de faire en sorte que nous puissions rénover les navires, non pas pour plus pêcher mais pour mieux pêcher», affirme le ministre français de la pêche Didier Guillaume. Ce compromis, pris contre l’avis de la Commission, a également fait l’objet de 4 votes contre (dont la Pologne et la Suède) et de 2 abstentions, selon l’AFP citant une source européenne.
Deux scénarios se dessinent désormais. Soit le Parlement, qui a arrêté sa position le 4 avril dernier, accepte de débuter les négociations en trilogue. Soit les nouveaux eurodéputés décident de relancer le processus depuis le début.
POUR ALLER PLUS LOIN
Dans la même rubrique
EGA: augmenter le revenu des agriculteurs avant de changer leurs pratiques
11/10/2017
Le bilan carbone quotidien du JDLE
06/04/2017
En Irak, la pollution de guerre tue aussi
23/08/2016
Gaspillage alimentaire: le gouvernement fait du surplace
27/08/2015
L’Europe consulte sur la gouvernance des océans
04/06/2015
Écotaxe poids lourds: Et si l’État récupérait les autoroutes?
14/05/2014