Le bisphénol A a une dent contre l’émail
Le 10 juin 2013 par Marine Jobert
DR
C’est ce qu’a découvert une équipe de chercheurs emmenée par Ariane Berdal (Université Paris-Diderot) et Sylvie Babajko (Inserm/Unité 872), en observant que l’émail des dents de rats exposés à de faibles doses de BPA présentaient des altérations. Un syndrome qui ressemble beaucoup à celui observé chez 18% des enfants âgés de 6 à 8 ans. Ces résultats viennent d’être publiés dans l’American Journal of Pathology.
«75% des rats exposés au BPA présentaient des taches blanches au niveau des incisives», raconte Sylvie Babajko, biologiste spécialisée dans la physiologie intégrée de la dent, retraçant la genèse de cette découverte fortuite, réalisée dans le cadre du programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens. De quoi inciter les chercheurs à regarder de plus près ces taches blanches, qui leur ont fait penser à des problèmes d’hypominéralisation de l’émail semblables à une pathologie récemment décrite chez l’homme, le MIH[1]. Une pathologie qui affecte sélectivement les premières molaires et incisives permanentes et touche quasiment 1 enfant sur 5 entre 6 et 8 ans. Symptômes: des dents hypersensibles à la douleur et susceptibles de déclencher plus facilement des caries.
Les chercheurs ont alors comparé les dents altérées, tant chez le rat que chez l’humain. «L’observation macroscopique des taches sur les deux séries de dents montre des similitudes, notamment un émail fragile et fracturé. Au niveau microscopique, l’analyse de l’émail a montré une diminution significative du rapport calcium/phosphore et calcium/carbone dans les dents atteintes. Ceci se traduit par une baisse de la quantité de minéral rendant les dents plus fragiles et susceptibles aux caries. Enfin, l’analyse des protéines présentes dans la matrice des dents de rats a montré l’augmentation de la quantité d’énaméline (une protéine-clé de l’émail en formation) et l’accumulation d’albumine traduisant une hypominéralisation», écrit l’Inserm. Une analyse génétique a montré que l’expression de deux gênes importants pour la formation de l’émail étaient également affectés par l’exposition au BPA.
«Jamais personne auparavant ne s’était demandé si le BPA pouvait cibler cet organe [la dent]. Et compte tenu des faibles doses de BPA utilisées et des homologies entre [le rat et l’humain], nous suspectons que le BPA puisse agir de la même façon chez l’homme», estime Sylvie Babajko dans une vidéo. La période de formation de ces dents (premières années de la vie) correspondant à celle où l’individu est le plus sensible au BPA, «la dent pourrait être utilisée comme marqueur précoce d’exposition aux perturbateurs endocriniens agissant comme le BPA et aiderait ainsi à dépister des pathologies lourdes apparaissant plusieurs années après», espère Sylvie Babajko.
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