Le bilan en demi-teinte de la piétonisation des berges parisiennes
Le 21 novembre 2017 par Marine Jobert

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Décidée il y a un an par Anne Hidalgo, la piétonisation de la rive droite des voies sur berge confirme ses effets sur la pollution de l’air, le bruit et la congestion du trafic. Un bilan en demi-teinte.
0,16% du trafic francilien annuel. C’est ce que représentent les 3,3 kilomètres de voies sur berge sur la rive droite de la Seine, fermées à la circulation il y a un an. Un (énième) rapport vient d’être publié par le Comité régional[1] de suivi et d’évaluation des impacts de cette piétonisation; l’occasion de synthétiser les études intermédiaires publiées depuis 12 mois sur les effets de cette fermeture au plan de la circulation routière, la pollution, le bruit et la circulation des bus.
Moins de voiture, moins de pollution
Commençons par les bonnes nouvelles: les promeneurs ont pris possession des quais bas les week-ends et les jours fériés (avec une préférence pour les jours de soleil) et la pollution atmosphérique a diminué sur la voie Pompidou (de 25% environ, avait établi Airparif en mars dernier), là où les voitures ne circulent plus.
Etude d’impact trop restreinte
Cela se gâte dès qu’on se penche sur les conséquences en matière de densité et de fluidité du trafic, puisque les reports de circulation sont allés au-delà de l’hypercentre parisien, jusqu’au boulevard périphérique et ses abords au sud-ouest. Des reports qu’il est toutefois complexe d’imputer à la seule piétonisation car, comme l’écrivait le comité de suivi de la préfecture de Paris en juin 2017, si des évolutions sont constatées, «elles ne sont pas significatives». Même si l’augmentation du trafic sur l’A86 Sud est avérée, «l’éventuel report reste limité et absorbable par la capacité de l’infrastructure, aucune formation de congestion n’ayant été constatée à cet endroit». En revanche, il est fort probable que des reports de trafic se soient produits en périphérie proche de Paris au sud, comme sur la RD1 et la RD50 dans les Hauts-de-Seine. Ce qui fait dire au comité de suivi que les critiques sur l’aire géographique retenue pour évaluer l’impact du projet (voies sur berge, Ier et IVe arrondissement) étaient fondées.
Pas d’évaporation du trafic
Les adeptes des voies sur berge (voir encadré) ont-ils lâché le volant pour la marche à pied ou les transports en commun? Que nenni. «Aucun phénomène d’évaporation du trafic (renonciation à des déplacements automobiles) n’a pu être observé ou établi plus d’un an après la fermeture de la voie», tranchent les observateurs. Le niveau de circulation dans Paris n’a pratiquement pas varié par rapport à son évolution tendancielle connue. Pire, on a même pu observer en début de période un ralentissement du rythme annuel de diminution du trafic parisien tel qu’observé depuis 15 ans. Sans surprise, c’est sur les quais hauts que se sont concentrés les reports de trafic, avec une hausse moyenne de 67% du trafic le matin et 30% le soir, soit le niveau de saturation absolu, avec des temps de parcours sur les quais hauts le soir en hausse de 65%.
Plus de bruit la nuit
C’est la nuit que le bruit a le plus augmenté sur les quais hauts, avec des hausses de 2 à 4 décibels (A)[2]. Une détérioration qui n’avait pas été anticipée par l’étude d’impact, ni relevée par le commissaire-enquêteur. Elle oblige juridiquement le maître d’ouvrage à prendre des mesures, souligne le comité de suivi. En journée également, le bilan acoustique est défavorable avec, du fait de la congestion, des pics de bruit intempestifs (+2,2 dB(A) en moyenne en journée et +3 dB(A) aux heures de pointe au niveau du quai Henri IV). Hors pics de bruit, en façade des riverains sur les secteurs des quais hauts les plus impactés, les niveaux s’établissent désormais entre 68 et 73 dB(A)[3]. Hors Paris intra-muros, aucune évolution claire en lien avec la piétonisation ne se dégage.
3 minutes 30 pour les bus
A-t-on seulement respiré mieux? Au bord de la Seine, oui. Mais pas 5 mètres au-dessus, et a fortiori encore moins dans l’habitacle de sa voiture bloquée dans un bouchon. «L’absence d’impact positif sur la qualité de l’air est directement liée à l’augmentation du niveau de congestion du trafic, avec des temps de parcours détériorés sur de nombreux axes en heures de pointe», constate le comité. Les 25 lignes de bus qui transitent par ce secteur ont vu leur temps de parcours «impacté de manière significative», surtout en fin de journée. Ce qui ne semble pas avoir été rédhibitoire pour les usagers, puisque la fréquentation a légèrement augmenté. Les temps de parcours des bus ont, en moyenne, été rallongés de 3 minutes et 30 secondes et ceux des services de secours d’une minute.
Quels enseignements tirer de cette expérimentation grandeur nature qui a déchaîné les passions politiques et encoléré bon nombre d’automobilistes? Pour les prochains projets, recommande le comité, il faudra «caractériser avec précision la situation de départ, par des mesures et par une connaissance fine des usages et des usagers», dans le but d’éclairer les études d’impact et la mise en œuvre «en permettant un suivi coordonné et partagé par tous».
[1] Présidé par Pierre Carli, médecin-chef du Samu de Paris et président du Conseil national de l'urgence hospitalière, il regroupe les représentants d’Airparif, de Bruitparif, de l’IAU Ile-de-France, d’IDF Mobilités (ex-STIF), de FNE Ile-de-France et de l’ORS, le secrétariat étant assuré par l’IAU.
[2] Une augmentation de 3 dB(A) équivaut à un doublement de l’énergie sonore (+100%).
[3] Soit de 3 à 8 dB(A) au-dessus du niveau sonore maximal autorisé sur la période diurne qui est de 65 dB(A).
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