La séquestration du carbone: un business en devenir
Le 13 juin 2019 par Valéry Laramée de Tannenberg

Climeworks
Pour réduire à néant nos émissions carbonées, il faudra en stocker une partie dans le sol. Deux entreprises se lancent sur un marché encore très balbutiant.
La multiplication des pays adeptes de la neutralité carbone devrait dynamiser une activité encore en devenir: la séquestration du carbone. Le principe n’est pas nouveau. Voilà plus de deux décennies qu’Equinor (ex-Statoil) injecte dans le sous-sol des mers du Nord et Baltique du CO2 produit par deux plateformes gazières. La meilleure façon qu’a trouvée la compagnie pétrolière norvégienne pour alléger la (lourde) taxation de ses émissions carbonées.
Problème: le captage-stockage de CO2 n’apparaît pas en mesure de satisfaire aux besoins des Etats qui viseront la neutralité carbone. Si la France parvient à réduire ses émissions carbonées conformément à sa stratégie nationale bas carbone (SNBC), elle devra encore séquestrer une cinquantaine de millions de tonnes de gaz carbonique chaque année. Or, la vingtaine d’installations de CSC en service dans le monde injectent péniblement dans le sous-sol une trentaine de millions de tonnes de dioxyde de carbone par an. Il faudra mieux. C’est d’ailleurs l’analyse faite par deux start-up.
aspirateur à CO2
On ne présente Climeworks plus aux lecteurs du JDLE. Cette jeune pousse suisse a conçu un aspirateur à CO2 atmosphérique (DAC), qu’elle teste sur la toiture de l’usine d’incinération de déchets ménagers de Hinwil, près de Zurich. L’installation a fait des petits depuis deux ans. La spin-off de l’Ecole fédérale polytechnique de Zurich (ETHZ) a mis en service un DAC en Islande. L’occasion de proposer l’une des premières offres commerciales de séquestration.
Située à proximité de la centrale à géothermie d’Hellisheidi, le DAC capte le CO2 atmosphérique avant de l’injecter dans l’eau que la centrale réinjecte dans le sous-sol basaltique. Dissous dans l’eau chaude, le gaz carbonique finit par se minéraliser. Et plus la température de l’eau est élevée plus rapide est la pétrification : deux ans pour une température inférieure à 50°C contre quelques mois dans une eau dont la température oscille entre 60 et 260°C.
carbonatation du CO2
Commercialisée par Climeworks, cette carbonatation est à portée de toutes les bourses. La société suisse propose une série d’abonnements: de 7 euros par mois pour stocker 85 kg de CO2 par an jusqu’à 49 euros mensuels pour séquestrer dans la géologie islandaise 600 kg de CO2 par an. Intéressant, mais totalement inadapté aux besoins d’une entreprise ou d’une collectivité, dont les besoins se chiffrent en centaines, voire milliers de tonnes de gaz à effet de serre. Le système devrait satisfaire les citoyens avides de compensation.
indemnisation annuelle
Les gros émetteurs pourront se tourner vers up Indigo Agriculture. Originaire de Boston, cette autre start-up veut mettre à profit les formidables capacités de stockage de carbone des sols agricoles. Son modèle économique est innovant. La compagnie recrute des agriculteurs, analyse les sols de leurs exploitations et définit les meilleures pratiques agronomiques pour transformer prairies et champs en éponges à CO2. Indigo Agriculture vérifie ensuite, et de façon régulière, l’évolution de la teneur en carbone des sols. Si celle-ci progresse, les paysans reçoivent une indemnisation annuelle variant entre 60 et 120 dollars (53 à 106 euros) par hectare enrichi en carbone. Les clients émetteurs devront débourser de 15 à 20 dollars (13 à 17 euros) par tonne séquestrée, indique l’entreprise.
4 pour 1.000
Si les agriculteurs mettaient en œuvre ces pratiques – semblables à celles de l’Initiative française 4 pour 1.000 - sur toutes les surfaces cultivées dans le monde (soit 1,5 milliard d’hectares), l’atmosphère pourrait alléger son bilan carbone de 1.000 milliards de tonnes de gaz carbonique. Ce qui permettrait de revenir à une concentration de 280 ppm d eCO2 dans l’atmosphère : un niveau comparable à celui régnant au XVIIIe siècle.
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