La guerre de l’eau: nous y sommes (presque)
Le 28 septembre 2016 par Valéry Laramée de Tannenberg
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L’Inde et le Pakistan se disputent les eaux de l’Himalaya.
Voilà des décennies que des oiseaux de mauvais augure annoncent le déclenchement prochain d’une guerre de l’eau. De préférence au Moyen-Orient. Jusqu’à présent, les pays de la région n’ont pas attendu d’être assoiffés (certains le sont presque) pour se livrer à toute sorte d’exactions.
Ces derniers jours, le spectre d’un conflit de la soif hante plutôt la frontière entre l’Inde et le Pakistan. Lundi 26 septembre, le Premier ministre de l’Inde a laissé entendre qu’il pourrait dénoncer le traité sur les eaux de l’Indus. Une menace qualifiée d’acte de guerre par Sartaj Aziz, l’un des conseillers du Premier ministre pakistanais.
Partage des eaux
Conclu en 1960, cet accord a créé une commission binationale de gestion des eaux. Le texte alloue au Pakistan l’exclusivité de l’usage des eaux des trois fleuves (Indus, Jhelum, Chenab) nés sur les contreforts occidentaux de l’Himalaya. En contrepartie, l’Inde peut utiliser comme bon lui semble l’eau des Sutlej, Beas et Ravi, qui dévalent depuis l’est du toit du monde.
Deux motivations semblent guider Narendra Modi. Le Premier ministre nationaliste indien n’entend pas passer par pertes et profits l’assassinat, le mois dernier, de 18 soldats dans la province du Kashmir, disputée par le Pakistan. New Dehli accuse Islamabad d’avoir ourdi l’attaque. Accusation rejetée par le Pakistan.
13 petits barrages
Plus sérieusement, l’Inde –qui doit produire de plus en plus d’électricité propre– veut construire de nouvelles centrales hydroélectriques sur les trois fleuves dédiés à son ennemi préféré. Or l’alimentation en eau potable et l’agriculture du pays des purs dépendent pour une large part des fleuves himalayens. Dans les seules régions du Jammu et du Kashmir, New Delhi prévoit la construction de 13 petits barrages (dont 5 sur la seule Jhelum), pour une capacité totale de 2.675 mégawatts.
Guerre civile
La guerre de l’eau ne met pas seulement aux prises Indiens et Pakistanais. A l’autre extrémité de la plus grande démocratie du monde, le Tamil Nadu et le Karnataka sont à deux doigts de l’affrontement. Les deux Etats indiens se disputent les eaux de la Cauvery, l’un des principaux fleuves du sous-continent. Le Tamil Nadu en a grand besoin pour irriguer sa florissante agriculture. Le Karnataka la turbine pour produire l’électricité dont sont friandes ses industries de pointe. Quand la mousson n’est pas assez généreuse (ce qui est le cas, cette année), les plafonds de prélèvement ne sont pas respectés de part et d’autre.
Déni de justice
Depuis le début du mois de septembre, les violences sont de retour. Au Karnataka, les manifestations hostiles aux Tamouls se succèdent. Des dizaines de leurs véhicules ont été incendiés. En 1991, des milliers de familles tamoules durent fuir Bangalore pour ne pas être lynchées. Depuis, les occupants des deux rives de la Cauvery attendent une décision de la justice fédérale. Jusqu’à la prochaine crise.
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