La COP 23 tient ses promesses
Le 20 novembre 2017 par Valéry Laramée de Tannenberg, envoyé spécial

VLDT
Le sommet climatique de Bonn n’avait pas d’objectifs spectaculaires à atteindre. Cela n’a pas empêché les négociateurs de faire quelques avancées sur des sujets aussi divers que les océans, le genre ou l’agriculture. Revue de détail.
A l’issue de la quinzaine allemande, le bilan des négociations est mince, mais loin d’être nul. Sous la surprenante et dynamique présidence fidjienne, des avancées inédites ont été faites. En milieu de seconde semaine, la COP a adopté un plan d’action en faveur de l’égalité des sexes. Les presque 200 pays signataires de la convention onusienne sur les changements climatiques ont convenu qu’il était urgent de féminiser les équipes de négociations et de lancer des programmes d’éducation des femmes et des filles, premières victimes des conséquences climatiques.
Après des années de blocage, la COP 23 a enfin accouché d’un programme de travail sur l’agriculture. Un secteur qui, après tout, ne représente que 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Au terme de cette décision, une compilation de solutions permettant au secteur primaire d’alléger son bilan climatique et de devenir plus résilient aux effets du réchauffement devra être présentée lors de la prochaine réunion de l’Organe subsidiaire du conseil scientifique et technologique (SBSTA), en mai prochain. Un projet de décision pourrait alors être présenté lors de la COP 26, en 2021. Il n’y a pas d’urgence…
Vielle histoire aussi que celle de la plateforme des communautés locales et des peuples indigènes. Deux ans après la COP 21, le même SBSTA a enfin lancé la création d’une telle plateforme, grâce à laquelle ces communautés et peuples autochtones pourront échanger de bonnes pratiques d’adaptation et d’atténuation, faire valoir auprès des scientifiques leur savoir-faire. Et «accessoirement» mieux se faire entendre dans les négociations.
COP 21/COP 23: le match
Participants |
COP 21 |
COP 23 |
Délégués des pays (parties) |
23.107 |
11.300 |
Organisations onusiennes |
638 |
453 |
Agences spécialisées |
453 |
376 |
Organisation intergouvernementales |
1.226 |
687 |
ONG |
7.094 |
4.660 |
Journalistes |
3.704 |
1.633 |
TOTAL |
36.276 |
19.115 |
Source: UNFCCC
Très concernée, la présidence fidjienne a aussi fait adopter une décision sur les océans. Il s’agit, bien sûr, de reconnaître les liens existant entre changements climatiques et environnement océanique. Mais aussi, et peut-être surtout, la possibilité pour les états côtiers de faire comptabiliser les puits de carbone marins dans leur bilan carbone. Un sujet diablement controversé.
Face à l’urgence climatique, maintes fois répétée, les négociateurs ont relancé un sujet laissé de côté: les efforts que doivent réaliser les pays les plus industrialisés d’ici 2020. Ceux-ci sont quantifiés dans un amendement au protocole de Kyoto, adopté en 2012 lors de la COP 18, à Doha. Non entré en vigueur (faute de ratification), le texte ne pose pourtant pas un problème fondamental pour la plupart des pays concernés.
Quels financements?
Les membres de l’Union européenne devront abattre de 20% leurs émissions entre 1990 et 2020, obligation comparable à celle du paquet Energie Climat 2020. «Il est essentiel d’amplifier la voix des populations marginalisées et de reconnaître l’impact disproportionné des changements climatiques sur les femmes et des peuples autochtones», estime Paula Caballero, responsable du programme Climat du World Resources Institute (WRI). L’Union européenne a annoncé qu’elle pourrait prochainement ratifier l’amendement de Doha. Ce beau geste sera insuffisant pour lui donner force de loi. Pour des raisons diverses, le Canada, les états-Unis, la Nouvelle-Zélande, la Russie et le Japon se sont retirés du jeu. Reste la sécurisation des financements qui permettront aux pays riches de respecter une promesse faite lors de la COP 19 de Copenhague: verser, à partir de 2020, 100 milliards de dollars (85 Md€) par an aux pays les plus vulnérables pour les aider à s’adapter et à réduire leurs rejets carbonés. Jusqu’à présent, la quarantaine de pays astreints à cette obligation n’ont pas réussi à sécuriser leur futur apport.
Au grand dam des pays les plus concernés qui ont fait du des actions ‘pré-2020’ un point de blocage des discussions lors de la première semaine de la COP 23. Pour débloquer la situation, les diplomates ont adopté un texte rappelant que ces préliminaires constituaient la base des actions climatiques de long terme. Dès le mois de mai prochain, les parties concernées devront indiquer comment elles entendent accélérer la mise en œuvre de leurs actions climatiques. Actions qui seront quantifiées lors de la COP 24. Pour les 100 milliards, en revanche, il faudra encore patienter. Deux réunions «de haut niveau» sont prévues en 2018 et 2020 à ce sujet.
dialogue fidjio-polonais
Tout aussi important est le lancement officiel du dialogue de Talanoa. Ce successeur fidjien au dialogue de facilitation vise à établir, dès 2018, un premier bilan mondial des actions climatiques. Nourrit par le prochain rapport du Giec[1] sur les conséquences d’un réchauffement à 1,5°C, ce «dialogue franc, inclusif et ouvert» à la fidjienne devra faire émerger des esquisses de stratégies nationales à long terme[2]. Avantage de ce processus: «Il laissera peu de marge de manœuvre à la présidence polonaise de la COP 24», analyse un observateur français. Et donc aux énergies fossiles.
Pertes et dommages
Thématique vedette de la COP de Varsovie de 2013: les pertes et dommages sont une revendication ancienne des pays en développement. L’idée est que les pays les plus anciennement industrialisés ‘compensent’ financièrement les dommages imputables aux conséquences du réchauffement actuel, dont ils sont historiquement responsables. Un sujet pratiquement absent dans les résultats de la COP 23. «La bonne nouvelle, estime un négociateur d’un pays européen, c’est que nous sommes sortis du débat sur les compensations, qui paralyse tout depuis des années, pour avancer sur des sujets concrets, comme la gestion des migrants climatiques.»
Les règles de Paris
C’est l’un des sujets les plus complexes qui soient: la rédaction des règles d’application de l’Accord de Paris. L’objectif visé par les présidences marocaine (COP22) et fidjienne était la construction d’un squelette de texte. A l’issue de la COP 23, le tas d’os existe et apparaît comme bien structuré. Reste à savoir si la ‘construction’ sera lisible. Publiée le 13 novembre, sa dernière mouture accuse déjà ses 180 pages, et bon nombre de paragraphes restent encore à écrire. Elle sera complétée dans les prochains mois. L’objectif étant d’adopter le rulebook lors de la COP 24, à Katowice (Pologne). Il avait fallu 4 ans pour se mettre d’accord sur les règles du jeu du protocole de Kyoto, bien moins ambitieux que l’Accord de Paris. «Nous ne sommes pas dans le même cas de figure, temporise un négociateur. Le protocole de 1997 comporte des zones d’ombre, sur la prise en compte de la forêt ou le fonctionnement des marchés de flexibilité, qu’il a fallu éclaircir lors de la rédaction des règles d’application. Dans l’Accord de Paris, les NDC précisent déjà bien des choses.»
[1] Giec: Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat
[2] Pour le moment, les NDC décrivent, avec plus ou moins de précisions, les politiques climatiques nationales jusqu’en 2030.
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