L’UICN alerte sur la perte d’oxygène dans les océans
Le 09 décembre 2019 par Stéphanie Senet
La perte d’oxygène dans les océans, estimée entre 3 et 4% d’ici à 2100, est étroitement liée à leur réchauffement et à leur acidification, selon la plus grande étude sur la désoxygénation des océans menée à ce jour.
La hausse des émissions de gaz à effet de serre anthropiques et de l’eutrophisation des eaux a déjà réduit le taux d’oxygène des océans de 2% entre 1960 et 2010, selon cette étude publiée le 7 décembre par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). A l’avenir, il faudra compter sur une nouvelle baisse de 3 à 4% d’ici à 2100, si les émissions de GES continuent de croître au rythme actuel. La majeure partie de cette perte se concentrera sur les 1.000 premiers mètres de la colonne d’eau, où la richesse et l’abondance des espèces est la plus élevée.
700 zones hypoxiques
Basée sur les travaux de 67 experts travaillant dans 51 instituts de 17 pays, cette publication montre l’accélération du phénomène d’eutrophisation, due au ruissellement des nutriments provenant des activités agricoles et aux dépôts d’azote issus de l’utilisation de combustibles fossiles. Résultat: sur les 900 zones marines déjà identifiées comme les plus menacées par l’eutrophisation, 700 zones présentent une hypoxie. Un signal positif: 70 d’entre elles affichent un signe de rétablissement grâce à une gestion de la surcharge en nutriments et en matières organiques des terres adjacentes. Tandis que l’hypoxie provenant du réchauffement climatique ne peut pas être inversée, rappellent les scientifiques. Quant aux effets combinés de ces deux facteurs de stress sur les écosystèmes marins, des incertitudes subsistent encore.
Mers fermées en première ligne
La mer Baltique et la mer Noire comptent parmi les mers les plus frappées par le phénomène de désoxygénation, là encore à cause du ruissellement de nutriments et du réchauffement climatique. Mais les mers fermées ne sont pas les seules menacées. Dans les océans, le système d’upwelling de bord est (SUBE) entraîne une remontée d’eau profonde –touchée par une baisse de l’oxygène dissout- le long des côtes occidentales des continents, là même où sont réalisées un cinquième des captures mondiales de poissons marins. Ces SUBE sont par ailleurs touchés par des efflorescences d’algues nuisibles et en particulier des marées rouges.
Endofaune divisée par 25
Toutes ces évolutions perturbent bien sûr les écosystèmes. Dans les estuaires notamment, l’habitat des espèces halieutiques est réduit et les espèces tolérantes à une faible oxygénation, comme les méduses, prolifèrent. Au total, lorsque l’oxygène dissout approche les 0,05 mg/l, cela pourrait diviser par 10 la diversité des assemblages benthiques estuariens et côtiers. L’abondance de l’endofaune benthique serait pour sa part divisée par 25.
Perturbations en série
Dans les Tropiques, les conséquences sont déjà visibles. Dans une zone «morte» hypoxique panaméenne, la diversité coralienne s’est réduite de 75%. Plus largement, les chercheurs affirment que la réduction de l’oxygène modifie les aires de répartition de nombreuses espèces, perturbe leurs déplacements verticaux et transversaux et cause des pertes dans les habitats de frai. Soit « une menace croissante pour la pêche et pour les thons, marlins et requins », conclut l’étude.
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