L’Europe entrouvre un avenir pour les agrocaburants
Le 16 juin 2014 par Valéry Laramée de Tannenberg

Après six mois de retard, l’Union européenne est, peut-être, sur le point de s’accorder sur l’avenir des agrocarburants. Vendredi 13 juin, les ministres européens de l’énergie sont parvenus à un accord pour plafonner à 7% la part des agrocarburants incorporée aux carburants, afin de limiter l'utilisation des terres arables pour cette production. Seuls la Belgique et le Portugal ont refusé le compromis, approuvé par tous les autres pays.
7 ou 6%?
Les négociations vont pouvoir s'engager avec le Parlement européen qui s'est prononcé, en septembre 2013, pour plafonner à 6% le taux d’incorporation des biocarburants produits à partir de céréales ou de plantes sucrières et oléagineuses. «Ce sera difficile», a estimé le ministre italien Claudio de Vicenti, dont le pays assurera la présidence semestrielle de l'UE à compter du 1er juillet.
La directive «énergies renouvelables» fixe l'objectif de 10% d'énergies renouvelables pour les transports en 2020. Les agrocarburants ont été vus comme la solution et les investissements encouragés, mais leurs effets pervers sur l'agriculture --déforestation, disparition de cultures vivrières, augmentation des prix des denrées alimentaires-- ont contraints l'UE à réviser sa position.
En septembre, le Parlement européen s'était également fixé un objectif de 2,5 % à atteindre pour les «biocarburants avancés», ceux jugés plus vertueux, à base de déchets agricoles et forestiers ou de microalgues.
Changement d'affectation des sols
Les élus, soutenus par nombre d’ONG environnementales, souhaitaient aussi que soit pris en compte le changement d'affectation des sols indirect (dit facteur CASI ou ILUC en anglais). C'est le cas lorsque les plantations destinées aux agrocarburants entraînent la destruction de forêts ou de prairies en Amazonie ou en Indonésie, et donc une perte d'écosystèmes captant le dioxyde de carbone.
Le Parlement demandait la prise en compte, à partir de 2020, de ce facteur CASI dans la directive sur la qualité des carburants, afin de distinguer les «bons» des «mauvais» agrocarburants en fonction de leurs émissions de gaz à effet de serre, directes et indirectes.
Dans un communiqué, la confédération européenne des producteurs de maïs (CEPM) estime que l’accord conclu le 13 juin pourrait destructurer la filière de production d’éthanol carburant. Le lobby de la maïsiculture demande que le taux d’incorporation des agrocarburants soit porté à 7,5%. Il exige aussi que les futurs textes communautaires abandonnent toute référence «aux facteurs d’émission de gaz à effet de serre liés aux changements d’affectation des sols indirects, tant que les incertitudes scientifiques ne sont pas levées.»
Ces tractations se déroulent dans le contexte de l’élaboration du paquet énergie climat 2030. Ce train de mesures vise à encadrer la politique «climat-énergie» communautaire pour les 16 prochaines années. Il prévoit notamment que les 28 réduisent solidairement de 40% leurs émissions de GES entre 1990 et 2030. Présenté le 22 janvier dernier, il pourrait être adopté lors du prochain Conseil européen des 26 et 27 juin prochains.
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