L’EPR Nouvelle Génération s’annonce peu rentable
Le 22 mars 2018 par Valéry Laramée de Tannenberg
VLDT
Encore dans les cartons, le petit frère du réacteur EPR ne sera pas compétitif par rapport aux centrales thermiques ou aux futures éoliennes. A moins que l’Etat et l’Europe n’y mettent le prix. Pas gagné.
Deux jours après le lancement officiel du débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), les lobbies fourbissent leurs arguments. Mercredi 21 mars, la Société française d’énergie nucléaire (SFEN) rendait publique une évaluation des coûts de la prochaine génération de réacteur EPR (ou EPR NG).
EDF l’a maintes fois répété, il n’est plus question de construire des EPR sur le modèle de ceux en cours de construction en Finlande, en France et en Chine. Trop complexe, trop cher.
La machine qui vaudra 5 milliards
Raison pour laquelle une équipe conjointe ex-Areva-EDF développe un EPR optimisé, plus simple et plus rapide à construire. Objectif asséné par Xavier Ursat, directeur exécutif d’EDF en charge de l’ingénierie et des nouveaux projets nucléaires, une machine dont le coût unitaire ne devra pas dépasser les 5 milliards d’euros. A comparer aux 8 Md€ de la tête de série finlandaise et aux 10,5 Md€ de Flamanville 3.
Les économistes de la SFEN ont sorti leurs calculettes pour affiner le montant du devis. Avec, en filigrane, l’idée d’engager les constructions des têtes de série le plus rapidement possible, «pour préserver un socle nucléaire», souligne Valérie Faudon, déléguée générale de la société savante.
Prenant en compte les retours d’expérience des chantiers finlandais, normand et chinois[1] une équipe d’experts, coordonnée par Jean-Guy Devezeaux de Lavergne (CEA) et Didier Beutier (ex-Areva), estime que de nombreuses économies sont possibles sur les prochains chantiers. «Entre Olkiluoto 3 et Taïshan, le coût d’ingénierie sur la chaudière nucléaire a été réduit de 60%, le temps de construction des grands équipements diminué de 40%», souligne Didier Beutier.
Plus de préfabriqués
Pour aller plus loin, les chercheurs imaginent aussi une réduction de 4 à 3 du nombre de systèmes de sauvegarde redondants ou l’optimisation de la construction en faisant préfabriquer un plus grand nombre d’éléments des bâtiments des futures centrales.
Il y a aussi l’effet de série, bien connu d’EDF. «Cela commence en construisant les réacteurs par paire, ce qui permet, en moyenne, de réduire de 15% le coût de réalisation de la seconde tranche. Et en lançant une série de 6 à 8 réacteurs, les coûts de construction peuvent être diminué de 30%», estime Jean-Guy Devezeaux de Lavergne.
Ces gains seront-ils suffisants alors que les coûts de l’éolien (même marin) et du photovoltaïque poursuivent leur déflation, que les prix observés sur le marché de gros de l’électricité restent bas et que les centrales thermiques produisent à très bas coût du fait de la faiblesse de la taxation de leurs émissions carbonées?
Un soutien de Bercy
A l’évidence, non. Et les économistes de la SFEN en sont bien conscients. Aussi préconisent-ils de doper l’économie de l’EPR NG. D’une part, en faisans jouer d’entrée de jeu l’effet de série. Pas de démarrage de la filière EPR NG à moins d’une commande de 6 à 8 réacteurs.
Ensuite, en adoptant en France le système mis en œuvre au Royaume-Uni pour financer la centrale nucléaire de Hinkley Point C. En résumé, et quel que soit le prix observé sur le marché de gros, EDF Energy vendra le courant produit par les deux EPR britanniques à 92 livres le mégawattheure (MWh) (105,3 €), 35 années durant. Sa maison-mère pourrait faire la même chose sur l’autre rive du Channel.
Un petit effort est aussi demandé à l’Etat. Bercy pourrait prendre à sa charge une partie du risque porté par EDF pour réduire le coût du financement de ses prochaines centrales nucléaires. Aujourd’hui, le retour attendu par les investissements se situe autour de 10% du coût total de la production. «Or le coût moyen du MWh d’un nouveau réacteur nucléaire est divisé par deux quand le coût du capital passe de 10% à 3%», précise Didier Beutier.
Ces trois conditions remplies, l’EPR NG proposerait tout de même un MWh à une cinquantaine d’euros. Un montant proche de ceux des éoliennes marines qui entreront en service dans les prochaines années. Mais qui risque d’être supérieur au coût de production des centrales à gaz. D’où la nécessité d’accroître le prix des quotas d’émission des centrales thermiques. Ce qui imposera, probablement, une nouvelle réforme du système communautaire, l’ETS. Pas acquise, la compétitivité de l’EPR, même en version allégée…
[1] Respectivement, ces chantiers accusent des retards de 9, 6 et 4 ans par rapport à la date de démarrage prévue.
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