L’agriculture se languit de ses pollinisateurs
Le 22 janvier 2016 par Romain Loury

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La sécurité alimentaire mondiale est déjà affaiblie par le manque d’insectes pollinisateurs, confirme une étude internationale publiée jeudi 21 janvier dans la revue Science. C’est même la première raison des écarts de rendement entre exploitations, expliquant plus de 20% d’entre eux.
Nulle semaine ne se passe sans que soient publiées de nouvelles études ayant trait aux causes de mortalité des pollinisateurs: ceux-ci, qui traversent une crise mondiale, sont menacés de toutes parts, aussi bien par divers microorganismes pathogènes, par le frelon asiatique, par le réchauffement climatique, par la destruction de leurs habitats, et bien sûr par les pesticides.
Cause majeure de raréfaction des abeilles, l’agriculture intensive en subit aussi les conséquences. Et lourdement, si l’on en croit l’étude publiée jeudi par Luca Garibaldi, de l’université nationale de Río Negro (Argentine), et ses collègues. Rare analyse à s’intéresser à l’effet du déclin des pollinisateurs sur les rendements agricoles, elle démontre un très net écart entre les exploitations, selon la densité et la variété des insectes qu’elles recèlent.
Des champs dépeuplés
Les chercheurs ont analysé 344 parcelles agricoles, représentant 33 types de cultures dans 12 pays (principalement en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud) sur cinq ans. Les résultats révèlent que l’abondance de pollinisateurs est la principale raison des écarts de productivité entre exploitations. Particulièrement dans les petites exploitations, celles de moins de deux hectares, où la densité de pollinisateurs explique 24% des variations.
Dans les grandes exploitations, la diversité des pollinisateurs, à savoir le nombre d’espèces, entre aussi en jeu. Dans celles où le nombre d’espèces est élevé, le gain de productivité peut s’élever de 30% lorsque la densité d’individus s’élève. L’abondance n’a en revanche plus aucun effet dans les champs à faible nombre d’espèces.
Ce phénomène s’expliquerait par le fait que les grandes exploitations sont plus souvent habitées par des espèces généralistes à large rayon d’action, butinant loin de leur colonie. Lorsque les pollinisateurs augmentent aussi bien en densité qu’en nombre d’espèces, le gain de productivité atteint 20% dans les grandes exploitations, selon les calculs de l’équipe.
Restaurer les abords des champs
Selon les chercheurs, le déclin des pollinisateurs peut être enrayé par la plantation de fleurs et de haies en bordure des champs, par un usage plus raisonné des pesticides et par la restauration des zones naturelles et semi-naturelles aux abords des exploitations.
Pour l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), impliqué dans ces travaux, «l’humanité doit aujourd’hui relever un double défi: d’abord, produire des denrées alimentaires pour satisfaire la demande croissante d’une population qui augmente; mais également produire cette nourriture de façon acceptable sur le plan environnemental et social (…) Les résultats de cette étude montrent que l’intensification écologique (qui permet d’améliorer l’abondance et la richesse de la faune pollinisatrice) crée des situations mutuellement bénéfiques pour la biodiversité et pour le rendement des cultures».
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