Hydrocarbures: black-out sur le BEPH
Le 19 juillet 2016 par Marine Jobert
DR
Le Bureau d’exploration-production des hydrocarbures instruit, conseille et archive tout ce qui a trait à l’exploration et à la production d’hydrocarbures en France depuis près de 50 ans. Or depuis janvier 2016, le BEPH a cessé toute mise à jour. Une omerta de mauvaise augure, craignent des opposants aux énergies fossiles.
En décembre 2010, la France apprenait une nouvelle expression: gaz de schiste. Et les citoyens opposés aux projets de forage du sous-sol partaient à la découverte du vocabulaire et des arcanes des sites internet des ministères chargés de délivrer les permis si contestés. Avec une mine d’or: le site du Bureau d’exploration-production des hydrocarbures (dit BEPH), à jour de tous les permis passés, présents et éventuellement à venir sur tout le territoire national.
Diffuseur d’informations
Le rôle du BEPH (qui fait partie de la Direction générale de l'énergie et du climat -DGEC-, elle-même placée sous l’autorité du ministère de l'écologie, du développement durable et de l’énergie) est essentiel pour la production pétrolière et gazière Made in France. Il instruit les demandes de permis et les renouvelle, il épaule les pétroliers et suit leurs activités, il collecte nombre d’informations sur leurs opérations et archive échantillons de terrain ou données sismiques. Enfin, précise son site internet, «il analyse et synthétise les informations collectées auprès des sociétés pour optimiser leur diffusion vers la profession et le public (bulletin mensuel, rapport annuel, cartes)».
Fin des mises à jour
Or depuis le 1er janvier dernier, le citoyen lambda n’a plus accès à ces informations: le site n’est plus mis à jour. Des collectifs d’opposants au gaz et pétrole de schiste, coutumiers de la consultation du BEPH, ont levé le lièvre il y a quelques semaines, après avoir constaté que les dernières publications dataient de décembre 2015 (ici), voire juillet 2015 (ici). «Le ministère a décidé une omerta sur les informations concernant les permis de recherche ou de production d'hydrocarbures. Et cela sans aucune explication, sans même une annonce, dénonce le site stop-gaz. De la part d'une ministre, Ségolène Royal, que l'on a souvent entendue vanter les vertus de l'information et de la participation citoyennes, qui doit porter le dialogue environnemental, qui participe au pilotage de la réforme du Code minier, qui doit mobiliser tous les acteurs pour mettre en œuvre la loi sur la transition énergétique, c'est un paradoxe incompréhensible. Et une erreur politique.»
Pétrole et transition énergétique
Contactée, la DGEC affirme «qu’il a été décidé, le temps de restructurer les publications, de stopper les mises à jour. On était très pétrole, mais nous menons une réflexion pour élargir l’offre sur les énergies du sous-sol, pour être notamment plus visibles sur la géothermie.» Les titulaires des permis, eux, pourront toutefois continuer à y accéder. A quand la nouvelle version du site? «Nous aurons finalisé l’affaire entre juillet et septembre 2017», assure-t-on à la DGEC. Soit après l’élection présidentielle. En off reconnaît-on, certains craignent que la publicité autour de la poursuite des activités d’exploration et de production d’hydrocarbures français, parallèlement aux discours autour de la politique de transition énergétique conduite par Ségolène Royal, n’échauffe les esprits. «C’est une très mauvaise idée de taire ainsi des informations, ou alors il faut interdire l’exploration.»
L’Outre-mer à conquérir
Un choix d’ailleurs assumé pour la Méditerranée, puisque la ministre de l’environnement annonçait en avril qu’elle n’y accorderait «plus aucun permis d’exploration, ni dans les eaux territoriales, ni sur le plateau continental». Sur la terre ferme, les deux zones pétrolifères –Aquitaine et bassin de Paris- friseraient le trop-plein de demandes et, de fait, le flux en serait tari. Restent des zones à conquérir, en Outre-mer. Mais ça, ce n’est pas le BEPH qui pourra nous l’apprendre!
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