EuropaCity: un débat public pour deux visions du monde
Le 13 septembre 2016 par Marine Jobert
EuropaCity
La consultation sur le projet de méga-complexe touristique dans le Val d’Oise s’est achevée après un débat passionné, quoique peu suivi par les populations locales.
«Deux visions antagonistes de l’aménagement et du développement du territoire sont apparues pendant le débat.» Voici résumé le fruit de la concertation organisée autour du projet EuropaCity du 15 mars au 13 juillet 2016 par la Commission nationale du débat public (CNDP), qui a rendu publics le 12 septembre un compte rendu et le bilan de son président, Christian Leyrit. Car ce méga-projet porté par la société Alliages et Territoires, s’il peine à se faire connaître dans une région parisienne satellisée (voir encadré), suscite la controverse.
Deux fois Eurodisney
Sur 80 hectares de terres agricoles coincées entre Paris et l’aéroport de Roissy, la filiale du groupe Auchan entend bâtir un nouveau quartier comportant 150.000 mètres carrés de parcs de loisirs (piscine et piste de ski), 50.000 m2 de salles de spectacle (dont un cirque!), 270.000 m2 d’espaces commerciaux (boutiques, restaurants, salles de congrès), avec 2.700 chambres d’hôtel, un parc arboré de 10 hectares et une ‘ferme urbaine’ s’étalant sur 7 ha. Fréquentation annoncée: 31 millions de visiteurs par an (trois fois la fréquentation du musée du Louvre, le double d’Eurodisney). A la clé: des milliers d’emplois.
Bétonnage vs compétitivité
Le compte rendu des débats sous la plume de la présidente de la commission dédiée au projet, Claude Brévan, donne à lire un échange de vues inconciliables et irréconciliables entre les deux camps. Quand le premier dénonce la disparition des commerces et des activités culturelles de proximité, la disparition d’excellentes terres agricoles, la marchandisation des loisirs ou encore le «bétonnage», l’autre s’enthousiasme pour un projet insolite et positif pour l’image du territoire, qui permettrait d’assurer la compétitivité de Paris et sa région face aux autres métropoles mondiales.
Le «retailtainment»
EuropaCity, nouvel Eldorado consumériste qui drainera les voitures par milliers, est-il COP 21-compatible? Un «clone de Las Vegas» est-il souhaitable aux portes de la ville-lumière? Est-ce un facteur d’attractivité supplémentaire? Le «retailtainment» (mariage entre commerces -sur 230.000 m2- et loisirs -sur 50.000 m2) est-il un horizon désirable? Une piste de ski, une absurdité anti-écologique ou un tremplin pour les privés des sports d’hiver? Autant de questions qui ont été évoquées lors des débats.
Entre 4.800 et 11.800 emplois
Mais celle qui a dominé l’ensemble du processus a été celle de l’emploi. Le maître d’ouvrage table sur un besoin de 4.200 emplois en moyenne par an pendant la durée du chantier et entre 10.500 et 11.800 emplois directs pendant la phase d’exploitation (44% dans le commerce, 24% dans l’hôtellerie, 11% dans les loisirs, et 4% dans les équipements culturels), répartis entre 80 métiers différents. Des opposants, à partir de plusieurs scénarios, ont estimé le gisement d'emplois entre 4.800 et 11.800, dont certains seraient des «déplacements d'emplois» depuis d'autres sites contraints à la fermeture. Un expert désigné par la CNDP a estimé, déduction faite de la «cannibalisation» du projet envisagé, qu'il y aurait entre 7.400 à 8.100 créations nettes.
46% dans les transports en commun?
Enfin, la question de l’accessibilité du site a été largement débattue. Les études menées par les bureaux d’études à la demande du maître d’ouvrage indiquent que 46% des visiteurs et employés utiliseraient les transports en commun pour se rendre sur le site. Un objectif très ambitieux, qui ne pourrait être réalisé «qu’avec la mise en place de dispositifs très incitatifs, voire contraignants», ont fait valoir des participants. Une association s’est alarmée des 190.000 déplacements quotidiens qui seraient engendrés par le projet (auxquels il faut ajouter les flux logistiques et les livraisons), et a estimé l’offre de stationnement «sous-dimensionnée». «De nombreux participants, et pas seulement des opposants au projet, ont posé la question d’un ‘plan B’ si les prévisions optimistes d’utilisation des transports collectifs échouaient», conclut la CPDP.
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