Emmanuel Macron détaille l’avenir d’EDF
Le 23 mars 2016 par Valéry Laramée de Tannenberg

VLDT
Auditionné par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le ministre de l’économie a dévoilé, dans la soirée de mardi 22 mars, quelques pans de la stratégie que l’électricien doit arrêter dans les prochaines semaines. Avec quelques petites révélations à la clé.
La tension était palpable, ce mardi 22 mars, au Palais Bourbon. Et les députés nombreux. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale auditionnait le ministre de l’économie sur la situation financière d’EDF. Inquiets, les parlementaires ont interpellé un Emmanuel Macron serein sur les sujets d’actualité: mur d’investissements à venir, construction de la coûteuse centrale nucléaire de Hinkley Point, privatisation partielle de certaines de ses filiales.
Pugnace, le colocataire de Bercy a attribué les difficultés de l’énergéticien à des choix passés et à une situation conjoncturelle. «En raison de la chute des prix du charbon et des surcapacités, les prix du mégawattheure, en Europe sont tombés à 26 euros. Or le modèle économique d’EDF est basé sur un prix du MWh de 37 €», a rappelé Emmanuel Macron. Une situation défavorable à l’heure où l’entreprise doit effectivement moderniser son parc de production[1], poursuivre son expansion à l’étranger, sans pour autant nuire aux finances de son principal actionnaire: l’état.
Clients et salariés à contribution
Choix passés: Emmanuel Macron a fustigé les choix faits par plusieurs gouvernements, dont le sien, de maintenir, contre vents et marées, «20 ans de tarifs généreux». Excluant tout retour aux tarifs régulés, «ce qui exclurait EDF du marché», le ministre souhaite, à l’évidence, de fortes hausses du prix du courant.
L’ancien secrétaire de Paul Riqueur a aussi critiqué la politique salariale de l’entreprise: «Entre 2010 et 2015, les salaires y ont, en moyenne, progressé de 3,5% par an, en totale déconnection de la productivité». Une bonne entrée en matière pour évoquer la politique des ressources humaines du groupe. Sans surprise, le ministre a confirmé ce que le groupe avait annoncé en début d’année: une baisse de 5% de ses effectifs tricolores. Soit l’éviction de plus de 3.000 salariés. Sans licenciement, bien sûr.
Cession de participation
Pour restaurer sa compétitivité, l’énergéticien devra céder des participations: 10 milliards d’actifs ont déjà été recensés. Il faudra aussi ouvrir le capital de certaines de ses filiales détenues à 100%. RTE est la première à se trouver dans le collimateur de Bercy. Moyennant une petite évolution de la loi, l’ancien banquier d’affaires entend imposer une entrée de la Caisse des dépôts et de partenaires privés dans le capital du gestionnaire des autoroutes de l’électricité. Mais EDF gardera toutefois le contrôle de sa pépite.
Puisque la chute des prix de l’électricité est la mère de tous les maux frappant le groupe dirigé par Jean-Bernard Lévy, le ministre de l’économie a la solution inflationniste: instaurer un prix plancher des quotas d’émission de gaz à effet de serre européens. «J’espère que la décision sera prise dans les prochains mois. Elle aura pour effet de faire, mécaniquement, remonter les prix spot du charbon et donc de l’électricité en Europe. Et en cas, nous ne manquerons pas d’accompagner les électro-intensifs.» Bruxelles appréciera.
Soutien à HPC
Reprenant à leur compte les inquiétudes des syndicats, les parlementaires sont longuement revenus sur le projet de centrale nucléaire d’Hinkley Point C (HPC). Un dossier défendu par le ministre: «Devons-nous décider d’un projet à 60 ans au vu de difficultés de court terme dues à un contexte de marché?», s’est-il écrié. «HPC, c’est 15% des investissements d’EDF sur 15 ans. Mais c’est aussi un projet affichant 9% de rentabilité annuelle pendant 60 ans.» La construction des deux EPR britanniques apportera, affirme-t-il, de 3 à 4 Md€ de chiffre d’affaires à des entreprises françaises et créera plus de 3.000 emplois dans l’Hexagone. La décision d’engager les travaux sera probablement prise dans les premiers jours du mois de mai. Avant l’assemblée générale d’EDF et, accessoirement, le referendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne.
Une décision très attendue par Mitsubishi Heavy Industries (MHI). Le groupe japonais devrait en effet fabriquer la cuve des deux EPR anglais; Areva étant incapable de produire, sans défaut, ces grosses pièces de forge. Cette sous-traitance n’est d’ailleurs pas sans précédent. En 2004, Areva avait déjà dû faire forger la cuve de l’EPR d’Olkiluoto (Finlande) et son couvercle par MHI.
Avenir nucléaire
Malgré les propositions du député Europe Ecologie-les Verts Denis Baupin de verdir drastiquement le bouquet électrique français, l’avenir d’EDF semble atomique. «L’énergie nucléaire restera la base de notre bouquet énergétique et le symbole de notre indépendance énergétique», a répliqué Emmanuel Macron. Ce qui n’est pas forcément synonyme de statu quo. «Certaines tranches devront fermer. EDF proposera cette année le ou les réacteurs à fermer.» Les négociations sur le dédommagement sont en cours, a confirmé le ministre. D’autres tranches seront prolongées, espère-t-il.
Enfin, de nouvelles tranches seront construites: des EPR de 1.800 MW (13% plus puissant que Flamanville 3) et des réacteurs de 1.000 MW. Cela n’exclut pas une touche d’énergies renouvelables. Le ministre rocardien rappelle que le groupe EDF réalise 2,3 Md€ d’investissements annuels dans les énergies vertes. Vrai. Mais, une bonne partie de ces projets sont menés par EDF EN. Et sont souvent revendus après leur mise en service.
[1] EDF devra investir, pour ce faire, entre 11 et 15 milliards par an au cours des prochaines années.
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