Eaux usées traitées: l’irrigation, sous pression
Le 23 mai 2016 par Marine Jobert

Les pénuries d’eau sont de plus en plus courantes en France. Une solution envisagée pour y faire face est la réutilisation des eaux usées, après traitement. Une pratique peu développée qu’aimerait relancer l’Etat, ainsi que l’Union européenne. Mais ces eaux doivent être utilisées avec des précautions.
La France est à la traîne pour la réutilisation d’eaux usées traitées (REUT): Chypre vise l’objectif de 100% des eaux usées réutilisées, l’Espagne a adopte? un plan qui prévoit l’usage exclusif des eaux recyclées pour l’arrosage des golfs et en Italie, le volume d’eau usée traitée réutilisée est 40 fois supérieur a? celui de la France. C’est ce qu’a rappelé récemment l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (voir encadré). En dépit d’un arrêté du 2 août 2010 qui autorise l’irrigation des cultures et l’arrosage des espaces verts ou les golfs, le pays compte seulement 65 installations en fonctionnement. Et le fossé risque de se creuser davantage encore avec les voisins européens, puisque la Commission mène actuellement des réflexions sur cette thématique, afin d’aboutir à une proposition à l’ensemble des Etats membres d’un outil commun.
Risques sanitaires
C’est dans ce contexte –et alors que plusieurs aquifères montrent des niveaux inférieurs à la normale- que l’Etat français a récemment publié une instruction ministérielle relative à la réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts. Elle rappelle les dispositions de l’arrêté du 2 août 2010, qui s’applique aux stations d’épuration d’eaux usées urbaines et aux installations d’assainissement non collectif de plus de 20 équivalents-habitants. Elle souligne également qu’un arrêté préfectoral est requis pour l’utilisation d’eaux usées traitées à des fins d’irrigation ou d’arrosage, après avis sanitaire de l’Agence régionale de santé et avis du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst). C’est que l’utilisation de ces eaux n’est pas exempte de tout risque sanitaire ou environnemental. Il s’agit d’eaux chargées aux niveaux microbiologique et physico-chimique (…) à des concentrations variables, potentiellement pathogènes pour l’homme (bactéries, moisissures et leurs toxines, virus et parasites) et susceptibles d’induire des effets sanitaires via les voies respiratoires, cutanéo-muqueuses ou d’ingestion.
Du paysan au ruminant
De ce fait, tant les personnes qui manipulent les récoltes que les consommateurs d’aliments irrigués doivent être alertés sur les risques d’ingestion et des contacts main-bouche. Même souci à l’endroit des professionnels de l’irrigation, du public fréquentant les espaces verts irrigués et de ceux, de passage ou habitant à proximité de parcelles ou d’espaces verts irrigués, pour lesquels il existe des risques sanitaires liés à l’inhalation d’aérosols générés lors de l’arrosage. Enfin, une attention particulière est portée aux animaux (bovins, ovins, caprins et équins) mis à paître sur un pâturage irrigué avec des EUT ou nourris avec des aliments issus de cultures fourragères irriguées avec ces eaux.
Anémomètre
La mise en œuvre de l’irrigation doit notamment prendre en compte la vitesse du vent et prévoir le respect de ‘zones sensibles’, à savoir les habitations, les cours et les jardins attenants aux habitations, les voies de circulation, les lieux publics de passage et de loisir, les bâtiments publics et les bâtiments d’entreprise. Sauf exception, une distance égale à deux fois la portée de l’asperseur doit être respectée entre celui-ci et cette zone.
Huîtres exclues
Certains périmètres sont tout bonnement interdits à l’irrigation ou à l’arrosage par les eaux usées: autour d’un captage public utilisé pour la consommation humaine, d’un site de conchyliculture, de pisciculture, de cressiculture, de pêche à pied, de baignade ou d'activités nautiques et, en cas d'absence de réseau public d'eau potable, de puits ou forage réalisé à des fins domestiques de l'eau. Pour éviter toute interconnexion involontaire avec le réseau d’eau potable, une signalisation spécifique devra être apposée. C’est notamment le cas pour les aires d'autoroutes, les cimetières, les golfs, les hippodromes, les parcs et les jardins publics, les parties communes de lotissements, les ronds-points et autres terre-pleins, les squares et les stades.
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