Dialogue de Talanoa: un premier bilan
Le 02 mai 2018 par Valéry Laramée de Tannenberg
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Depuis 6 mois, gouvernements, ONG, lobbies, scientifiques et autres parties prenantes proposent idées et solutions pour accélérer la lutte contre le changement climatique. Ce Dialogue de Talanoa, qui doit s’achever à la fin de l’année, laisse poindre une inquiétude généralisée devant les défis que nous pose le renforcement anthropique de l’effet de serre. Morceaux choisis.
A mi-chemin des COP 23 et 24, un premier bilan du fructueux Dialogue de Talanoa est possible. En novembre dernier, la présidence fidjienne initiait, pour un an, ce nouveau ‘dialogue de facilitation’. Objectif: collecter les bonnes idées propres à renforcer au plus vite les politiques climatiques nationales (NDC). Six mois après le démarrage du processus, solutions et concepts affluent.
Plus de 400 sont déjà recensés sur le site mis en ligne par le secrétariat exécutif de la convention de l’ONU sur le changement climatique. Pour participer à «cette conversation globale sur les efforts à mener pour lutter contre le changement climatique», parties (gouvernements) et parties prenantes (ONG, lobbies, scientifiques) doivent soumettre des contributions répondant à trois questions fondamentales: où en sommes-nous, où voulons-nous aller, et comment faire pour atteindre l’objectif fixé.
Compte tenu de la diversité des sujets, de la qualité variable du contenu, une synthèse -que devra néanmoins réaliser la présidence fidjienne- reste difficile à établir. Toutefois, plusieurs grandes tendances semblent se dessiner. A commencer par la participation. Selon un premier bilan établi au 2 avril, 78% des contributions émanaient des parties prenantes, société civile en tête, suivie par les scientifiques et les entreprises.
Grandes questions
A la première des grandes questions, l’optimisme n’est pas de mise. Beaucoup de parties prenantes s’inquiètent des concentrations de gaz à effet de serre actuelles et de leurs évolutions. En 2016, la concentration moyenne de GES atteignait le niveau record de 489 parties pour million (ppm), en hausse de 17% par rapport à 1990, rappelle la Nasa.
D’autres pointent l’impossibilité de stabiliser les rejets anthropiques à l’horizon de 2020 et encore moins de stopper le réchauffement à 2°C, voire 1,5°C d’ici la fin du siècle. On montre du doigt les secteurs qui ne décarbonisent pas suffisamment vite: transport (aviation et fret maritime notamment), agro-alimentaire et, nouveauté, entreprises de la climatisation.
Renforcer les politiques actuelles
Conclusion logique: bon nombre de participants appellent à renforcer rapidement et sensiblement les politiques en cours «pour éviter les effets dangereux d’un changement climatique anthropique». Dit autrement: on veut de nouvelles actions tout de suite, sans attendre le grand bilan des NDC, prévu par l’Accord de Paris pour 2020. Parmi les actions proposées: verdissement des fiscalités (fin des subventions aux énergies fossiles, par exemple), fléchages des investissements vers une économie bas carbone.
Sans oublier une garantie que les pays les plus riches respectent leur promesse de verser aux pays les plus vulnérables 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Une promesse faite lors du sommet climatique de Copenhague, en décembre 2009.
Plus délicat: l’application du principe pollueur-payeur. De nombreuses contributions appellent à faire payer, d’une façon ou d’une autre, les pays responsables du changement climatique actuel: Europe, Amérique du Nord.
Quels objectifs?
Pas moins de 114 contributions proposent de nouveaux objectifs, répondant ainsi à la seconde grande question. La moitié, dont les Etats îliens du Pacifique, estiment nécessaire de se focaliser sur l’objectif le plus strict de l’Accord de Paris: stabiliser le réchauffement à 1,5°C. Une minorité réclame un renforcement de cette ambition: entre 0,5 et 1,5°C. Quelques grands pays, dont la Chine, restent cramponnés à l’objectif des 2°C.
Pour les premiers, il est urgent d’adapter (baisser drastiquement donc) nos émissions de GES à ces objectifs; d’être ‘1,5°C compatible’, en quelque sorte. Cela impose, dans un premier temps, un durcissement quasi immédiat des NDC. Par exemple, en supprimant les subventions à la consommation d’énergies fossiles et à la production de viande. Dans un second temps, en généralisant pratiques et techniques permettant d’absorber de grands volumes de CO2 atmosphérique (puits forestier, capture et stockage géologique de gaz carbonique), etc.
Mobilisation générale
Atteindre les buts que l’on se fixe (troisième grande question) est une thématique qui a beaucoup mobilisé: 148 propositions. Un bon quart souhaitent engager une mobilisation générale, en motivant notamment les professionnels de la finance, de la santé, de l’éducation. Enormément de bonnes pratiques ont aussi été ‘postées’, du développement de la résilience des villes à la décarbonation du secteur de l’énergie, en passant par la restauration d’écosystèmes absorbant le carbone (tourbière, forêts).
La finance reste l’un des thèmes les plus discutés, avec de nombreux appels à la création de dispositifs de financement de l’adaptation (demande portée par de nombreux pays africains), du développement et de la diffusion de technologies ‘bas carbone’, du soutien aux territoires et aux collectivités locales. Pour ce faire, on recommande de donner un prix aux émissions de carbone et de mettre un terme au subventionnement de la production et de la consommation des énergies fossiles.
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