Contre la Covid-19, le lama à la rescousse
Le 04 mai 2020 par Romain Loury
Tim Coppens
Face au coronavirus SRAS-CoV-2, la réponse thérapeutique viendra-t-elle des camélidés? C’est ce qu’espèrent des chercheurs américains et belges, qui font état dans la revue Cell d’un anticorps de lama bloquant efficacement l’infection cellulaire par le virus.
Si les chauves-souris ont un système immunitaire à toute épreuve, ce qui explique leur capacité à générer des virus hautement pathogènes, les camélidés ne sont pas trop mal dotés non plus. Chameaux, dromadaires, lamas et alpagas ont en effet pour caractéristique de produire deux types d’anticorps, dont les applications thérapeutiques intéressent la communauté scientifique depuis leur découverte, en 1993 à l’Université libre de Bruxelles.
Si les premiers anticorps sont très similaires à ceux produits par l’humain (un dimère d’une chaîne lourde et d’une chaîne légère, dont l’extrémité reconnaît l’antigène à détruire), les camélidés en produisent en outre une version plus petite, consistant en un dimère d’une seule chaîne lourde. Ce qui, à la différence des anticorps classiques, permet de les faire produire par des bactéries modifiées, et donc d’envisager une production industrielle.
Winter, dressée contre les coronavirus
En 2016, Dorien De Vlieger et ses collègues, de l’université de Gand (Belgique), avaient tenté d’immuniser une femelle lama, dénommée Winter et alors âgée de neuf mois, contre deux coronavirus, ceux à l’origine du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2003 et du MERS-CoV, qui sévit au Moyen-Orient depuis 2012. L’expérience a fonctionné: l’anticorps isolé s’est avéré capable de bloquer l’infection cellulaire par les deux virus. Faute de nouveau coronavirus, ces travaux de recherche fondamentale en sont toutefois restés là.
En partenariat avec une équipe de l’université du Texas à Austin, les chercheurs ont repris les anticorps de Winter, qui réside toujours dans les environs de Gand en compagnie de 130 autres lamas et alpagas, afin de tester leur efficacité contre le SRAS-CoV-2. Sans surprise, ces anticorps se sont avérés moins efficaces contre le nouveau virus, du moins sous leur forme non modifiée. En revanche, ils permettaient de bloquer complètement l’entrée cellulaire du virus lorsque les chercheurs ont lié deux copies de l’anticorps entre elles.
Un traitement par anticorps à inhaler
Après ces résultats concluants in vitro, qui seront publiés mardi 5 mai dans la revue Cell, les chercheurs s’apprêtent à mener de premiers essais précliniques chez le hamster et le singe, en vue de premiers essai chez l’homme en cas de résultats positifs. Il ne s’agirait pas d’un vaccin, mais plutôt d’un traitement préventif. Du fait de leur petite taille, ces anticorps de camélidés pourraient être administrés par inhalateur, ce qui permettrait de cibler directement les voies respiratoires, auxquelles s’attaque le SRAS-CoV-2.
«Les vaccins doivent être injectés un à deux mois avant l’infection pour conférer une protection. Avec ce genre de thérapie, vous pouvez apporter directement les anticorps, et la personne sera immédiatement protégée. Ils pourraient aussi être utilisés chez les personnes déjà malades afin d’amoindrir la sévérité de la maladie», avance Jason McLellan, biologiste à l’université du Texas et co-auteur de l’étude. Selon lui, ce traitement pourrait être particulièrement utile aux personnes âgées, qui répondent mal à la vaccination, ainsi qu’aux personnes les plus exposées au virus, dont les soignants.
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