Conjuguer agriculture et lutte contre le réchauffement?
Le 03 octobre 2017 par Valéry Laramée de Tannenberg
VLDT
Une étude internationale préconise de développer fortement la séquestration du carbone, arme fatale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) agricoles et accroître les rendements.
Cela s’apparente à une insoluble équation. Dans bien des régions, le réchauffement menace les rendements agricoles, alors que les besoins alimentaires progressent. S’en suit un cercle vicieux: pour produire plus, on défriche. La forêt et les espaces naturels laissent la place aux pâturages et aux grandes cultures, accroissant du même coup notre empreinte carbone: agriculture, élevage et déforestation sont à l’origine du quart de nos émissions de GES anthropiques.
Séquestrer le carbone dans le sol
Pourtant, mains Etats, de l’Union européenne à la Russie en passant par le Brésil, placent la séquestration du carbone par le sol ou les végétaux au cœur de leur stratégie climatique. Bonne ou mauvaise pioche?
Bonne, répondent 14 chercheurs dans un article publié ce lundi 2 octobre dans la revue Environmental Research Letters. Dans cette étude, coordonnée par l’Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA), on peut conjuguer agriculture et lutte contre le réchauffement, à condition d’adapter les politiques climatiques nationales au contexte écologique local.
Réduction des émissions et renchérissement des coûts
Basée sur la modélisation, l’étude démontre que réduire rapidement les émissions imputables au changement d’usage des terres (lors d’une déforestation ou d’une destruction de tourbière, par exemple) peut renchérir les denrées agricoles et réduire la production alimentaire.
Les scientifiques ont évalué les résultats de deux stratégies susceptibles de renforcer la sécurité alimentaire tout en stabilisant le réchauffement: réduire la déforestation et augmenter la séquestration de carbone dans les sols.
Pas de réponse unique
Lutter contre la déforestation apparaît comme une solution allant de soi. Mais elle n’a pas une valeur universelle, soulignent les auteurs. Dans certains pays tropicaux, comme le Brésil et les pays du bassin du Congo, riches en terres, l'arrêt de la déforestation réduirait les émissions de GES sans influer sur la production agricole. En effet, l’intensification des productions permettrait de garantir la disponibilité alimentaire.
A contrario, dans les régions densément peuplées et fortement émettrices (la Chine ou l'Inde), taxer ces émissions ferait grimper le prix des productions agricoles et réduirait la production agricole nationale.
Pour éviter pareil effet collatéral, les auteurs préconisent de séquestrer le carbone dans la matière organique des sols agricoles. L'utilisation de cultures intermédiaires, l’agriculture de conservation, l’agro-écologie, l’agroforesterie et la bonne gestion des déchets organiques augmentent les stocks de carbone dans les sols pendant plusieurs décennies. Appliquées sur des terrains dégradés, ces pratiques accroissent sensiblement le rendement des cultures.
En 2050, selon l'étude, la séquestration de carbone dans les sols agricoles pourrait compenser jusqu'à 3,5 milliards de tonnes de CO2 (7% des émissions anthropogéniques mondiales en 2010) et réduire des deux tiers les effets négatifs d'une taxe carbone sur la sécurité alimentaire, scénario comparé à un autre dépourvu de cette option.
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