Climat: une fracture ouverte entre l’Etat et les territoires
Le 29 janvier 2020 par Valéry Laramée de Tannenberg, envoyé spécial

VLDT
Aux assises européennes de la transition énergétique, un débat sur la planification des politiques énergie régionales a viré au dialogue de sourds entre élus et représentants de l’Etat.
+ 4,5 % par rapport aux objectifs nationaux de réduction d’émission de gaz à effet de serre. +4,5 % par rapport à l’objectif de diminution de la consommation d’énergie. Les congressistes des Assises de la transition énergétique avaient en tête le dernier bilan de la politique climatique française, établi par l’Observatoire Climat-Energie, émanation du Réseau Action Climat (RAC). Bilan que Corinne Le Quéré a résumé à sa façon: «il faudrait que nous fassions trois fois plus», a indiqué, dans l’enceinte bordelaise, la présidente du Haut conseil pour le climat (HCC). Des territoires ou des pouvoirs publics, reste à savoir qui doit prendre la main?
subsidiarité énergétique?
Du côté de l’Etat, on a le sentiment du devoir accompli. Le directeur général de l’énergie et du climat, Laurent Michel, rappelle qu’avec la loi énergie-climat, la stratégie nationale bas carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie, le cap et les modalités de l’action sont fixés. Paris a fait son job: aux régions, départements, intercommunalités et communes de faire le leur. «L’action la plus utile est l’action au niveau local. Et pour qu’elle soit la plus efficace, je suis favorable à ce que les collectivités disposent d’une sorte de subsidiarité», renchérit le président de l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (Ademe), Arnaud Leroy.
Plus facile à dire qu’à faire, répondent en substance les élus. «Il y a une déconnection entre les politiques nationales et les Sraddet[1]», répond Eric Fournier. Comme nombre de ses collègues, le vice-président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, déplore l’inadéquation entre le rôle donné par l’Etat aux régions (les cheffes de file de la politique climatique territoriale) et les moyens octroyés par les pouvoirs publics aux territoires.
pas d'évaluation des politiques publiques
Financier et humain, le manque de moyens envoie les collectivités dans des impasses. «Toutes ces procédures nous empêchent de lancer rapidement des choses simples, smart dont pourraient se saisir les populations. Or, après s’être senties concernées par les effets du changement climatique, elles commencent à se sentir menacées», regrette le vice-président du pôle métropolitain du Genevois français. Pierre-Jean Crastes pointe un autre sujet sensible: l’absence de données exploitables par les maîtres d’œuvre des politiques climatiques locales. «A aucun niveau, l’Etat n’évalue ses politiques publiques en matière de climat», confirme Corinne Le Quéré. Raison pour laquelle le HCC a récemment publié une méthode d’évaluation de l’impact climatique de la loi. Le maire de Chênex et président de la Communauté de communes du Genevois relève un autre problème: «notre incapacité à travailler sur le volet consommation, alors que l’empreinte carbone des Français ne cesse de s’alourdir.»
mesures radicales
Tout n’est pourtant pas encalminé. En se basant sur l’estimation des effets régionaux du réchauffement qu’il avait commandé aux scientifiques d’Acclimaterra, le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine s’est fixé pour objectif de réduire d’un tiers ses émissions de GES entre 1990 et 2030. «Un objectif, a prévenu la vice-présidente Françoise Coutant, qui impose de prendre des mesures radicales.» Sous-entendu: un accompagnement supplémentaire de l’Etat ne serait pas de trop. «Une fois qu’on a lancé sa politique climatique, on est attendu par les citoyens. Nous avons l’obligation d’être à la hauteur de leurs attentes», renchérit Charles Fournier, vice-président de Centre-Val-de-Loire.
A l’évidence, l’Etat n’en fera pas plus. «En 2023, une loi de programmation quinquennale prévue par la loi énergie-climat permettra d'organiser des allers-retours entre les mailles de planification», conclut Laurent Michel.
ht
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