Climat: l’Europe s’accorde sur une NDC a minima
Le 11 décembre 2020 par Valéry Laramée de Tannenberg

Commission européenne
Dans la matinée du 12 décembre, les 27 ont accepté de réduire leurs émissions de 55% entre 1990 et 2030. Un objectif moins ambitieux qu’il n’y paraît. D’autant que l’Europe ne s’interdit pas d’investir dans les énergies fossiles.
Angela Merkel termine en beauté. Dans les premières heures de vendredi, à quelques jours de la fin de la présidence allemande de l’Union européenne, les 27 se sont accordés sur de nouveaux objectifs en matière de lutte contre le changement climatique.
Le premier et non le moindre est d’abaisser de 55%, «au moins», les émissions communautaires de gaz à effet de serre (Ges) entre 1990 et 2030. Sur cette période, l’UE prévoit, pour le moment, un coup de rabot de 40% seulement. «Cet accord nous place sur une trajectoire claire vers la neutralité climatique en 2050. Il apporte de la visibilité aux investisseurs, aux entreprises, aux pouvoirs publics et aux citoyens et prépare notre Union aux défis futurs», s’est réjouie la présidence de la Commission, Ursula von der Leyen. «Il y a un an, nous n’aurions jamais espéré la conclusion d’un tel accord», commente Neil Makaroff, chargé des questions européennes au Réseau Action Climat.
train de mesures
Contraignant, l’accord sera concrétisé par l’adoption, avant l’été prochain, d’un train de mesures structurant: élargissement de l’ETS, mécanisme d’ajustement aux frontières de l’UE, révision de la directive énergie renouvelable, plan d’afforestation, stratégie de mobilité décarbonée, norme en matière d’obligation verte, incitations pour décarboner l’industrie. Le nouvel objectif devra aussi être validé par le parlement européen, plus ambitieux en la matière que la Commission et le Conseil.
Le Conseil des 10 et 11 décembre a aussi adopté le budget pluriannuel de l’UE (2021-2028) et le programme NextGenerationEU. De quoi doter le bloc européen d’une force de frappe financière de 1.800 milliards d’euros. «Maintenant que nous en avons obtenu le financement, nous avons les moyens de nos ambitions», a commenté la présidente von der Leyen. Dans les prochaines semaines, l’Europe pourra donc transmettre à l’ONU sa nouvelle contribution nationale volontaire (NDC).
quelle baisse réelle?
Impressionnant, le corpus communautaire souffre de quelques imperfections. A commencé par son objectif. La baisse de 55% tient compte des capacités d’absorption du CO2 des puits naturels, telles les forêts. Selon l’étude d’impact du texte, la baisse réelle des émissions ne sera que de 50 à 52%. «Avec les mesures mises en œuvre, la Commission estime que les 27 vont réduire de 47% leurs rejets de Ges entre 1990 et 2030», confirme Neil Makaroff. La hausse de l’ambition réelle n’est donc que de … 3 à 5%. Modeste.
En principe, les investissements financés par les institutions européennes suivront les prescriptions fixées par le futur règlement sur la taxonomie, en cours d’adoption.
Problème: le volumineux acte délégué laisse la porte ouverte à des projets d’infrastructures dont on a peine à croire qu’ils vont contribuer à réduire notre bilan carbone: aéroports, autoroutes. Le compte-rendu du Conseil souligne aussi que le gaz naturel, tout émetteur de méthane et de CO2 qu’il soit, peut être considéré comme «une technologie de transition.»
Cette prescription est incompatible avec le fonds de transition juste, adopté, le 9 décembre, par le parlement européen et le Conseil. Doté de 17,5 milliards, cet véhicule financier, conçu pour aider les régions qui pâtiront des restructurations imposées par la transition énergétique (les régions charbonnières, par exemple), s’interdit de financer «les combustibles fossiles».
Devant consacrer 1.000 milliards d’euros, sur 10 années, au climat, la Banque européenne d’investissement (BEI) ne s’interdit pas, complètement, de financer le fossile. Sa feuille de route climatique autorise les investissements en faveur de centrales à gaz à cogénération. Une condition, toutefois: leur facteur carbone devra être inférieur à 250 kilos de CO2/MWh.
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