Joe Biden place le premier ministre du Canada devant ses contradictions climatiques
Le 21 janvier 2021 par Valéry Laramée de Tannenberg
Adam Scotti
Justin Trudeau critique le veto de Joe Biden au projet d'oléoduc Keystone XL.
On aura rarement lu communiqué plus alambiqué du premier ministre du Canada. A peine le nouveau président des Etats-Unis investissait le bureau ovale que Justin Trudeau critiquait l’une de ses premières décisions.
Joe Biden l’avait promis lors de sa campagne électorale. Il a tenu sa promesse: le 46e locataire de la Maison blanche a mis son veto au projet d’oléoduc canado-américain Keystone XL, dont l'autorisation avait été signée en mars 2019 par Donald Trump.
«Nous sommes déçus par sa décision à l’égard du projet Keystone XL. Nous reconnaissons toutefois la décision du président de tenir la promesse qu’il avait faite en campagne électorale», a commenté Justin Trudeau.
un tube de 2.000 km de long
Lancé au début de la décennie précédente, ce projet prévoit la construction d’un tube de 2.000 km reliant Hardisty (Alberta, Canada) à Steele City (Nebraska, Etats-Unis), lieu de jonction avec le réseau d’oléoducs américains. Devant coûter 8 milliards de dollars, cette installation est dimensionnée pour transporter 830.000 barils de brut par jour. Un pétrole extrait des sables bitumineux de l’Alberta: l’une des plus polluantes sources de production d’hydrocarbures de la planète !
Selon une estimation du Stockholm Environment Institute (SEI), l’infrastructure aurait pu contribuer à relâcher plus de 4 milliards de tonnes de gaz à effet de serre (Ges) durant son demi siècle de vie prévue: l’équivalent des émissions annuelles des 27 pays de l’Union européenne.
mesure environnementale et économique
Environnementale, la décision de Joe Biden n’est pas non plus dénuée d’arrière-pensée économique. Pour les pétroliers canadiens, le Keystone XL est une porte ouverte, via le réseau de pipes américains, vers les raffineries du Texas: cœur du marché nord-américain du pétrole. Pour leurs concurrents américains, c’est l’assurance de voir arriver de nouveaux flux de brut, au moment où la demande de produits raffinés reste pénalisée par les conséquences de la pandémie de Covid-19.
L’an passé, les compagnies pétrolières américaines ont licencié plus de 100.000 personnes. Ces entreprises restent fragiles tant que le cours du pétrole texan (le West Texas Intermediate) est inférieur à 50 dollars, ce qui a été le cas entre février 2020 et janvier 2021.
Bon joueur, le premier ministre canadien s’est toutefois réjouit du retour annoncé des Etats-Unis dans l’accord de Paris, ainsi que du gel des forages pétroliers et gaziers dans la Réserve faunique nationale de l'Arctique.
mauvais élève
Gros producteur d’hydrocarbures, le Canada n’a jamais tenu ses engagements climatiques. Dans le cadre du protocole de Kyoto, Ottawa aurait dû réduire de 6% ses émissions de Ges entre 1990 et 2012. Les émissions ont bondi de 29% durant cette période. Dans sa première contribution nationale volontaire, publiée en 2015, le géant nord-américain propose de réduire d’un tiers ses émissions entre 2005 et 2030 (un retour au niveau comptabilisé en 1990, en fait). Or, depuis 2005, les rejets canadiens sont on ne peut plus stables.
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