Chez Renault, on ne truque pas, mais on pollue trop
Le 15 janvier 2016 par Yves Leers

Alors que le Parlement européen a remis à plus tard son vote sur la pollution automobile, aucun logiciel truqueur n’a été découvert chez Renault. Il est toutefois établi que certains modèles de la firme au losange dépassent les limites de rejet d’oxydes d’azote (NOx) et le CO2, comme l’a confirmé jeudi 14 janvier, la ministre de l’écologie à l’issue des premiers travaux de la Commission technique indépendante chargée d’évaluer les émissions réelles des véhicules.
En décembre, Renault avait implicitement reconnu le problème en annonçant un plan d'investissement de 50 millions d'euros pour «réduire l'écart entre les émissions polluantes de ses voitures en conditions d'homologation et en situation réelle». Certains dépassements sur le dernier Espace seraient 5 à 10 fois supérieurs aux normes sur les NOx et le carbone.
«METTEZ VOS MOTEURS AUX NORMES!»
En septembre, après des tests réalisés à l’Université des sciences appliquées de Berne, l’ONG allemande DUH (Deutsche Umwelthilfe) avait relevé sur ce modèle «un niveau d'émission d'oxydes d'azote (NOx) allant jusqu'à 25 fois le niveau autorisé quand on le mesure à moteur chaud», ce que Renault avait contesté. Toujours en septembre, une autre ONG, l’International Council on Clean Transportation (ICCT) avait relevé des dépassements 9 fois supérieurs aux normes sur une Renault Mégane. Des dépassements avaient aussi été notés sur des voitures Volvo et Hyundai. A ce stade, on ignore à quoi attribuer de tels dépassements des normes. S’agit-il d’erreurs, de «sur-optimisation» des tests en labo ou de tricheries organisées, ce que le constructeur nie farouchement?
Ségolène Royal, selon laquelle «la présence de logiciel truqueur n’avait pas été relevée», a déclaré ce vendredi 15 janvier au Parisien que «Renault doit réagir dès maintenant pour mettre ses moteurs aux normes». La locataire de l’hôtel de Roquelaure a exclu le remboursement de certaines aides fiscales dans l’attente des résultats de tests en cours. Il y a quelques jours, une série de perquisitions avait été menée par les services des fraudes (DGCCRF) sur trois sites Renault franciliens. But des limiers: comprendre l’origine de tels dépassements. L’annonce de ces perquisitions, jeudi, par la CGT d’un des sites, a provoqué la chute du titre Renault en bourse, d’abord de 20% et finalement de 10% en fin de journée.
PSA SEREIN
Chez PSA, l’atmosphère est plus sereine même si «l’affaire Renault» a eu aussi des répercussions boursières. Il n’y a eu «aucune perquisition» sur les sites de PSA et deux modèles maison -une 208 Euro 5 et un 508 Euro 6- ont passé les tests de la commission «sans encombre», selon Gilles Le Borgne, le directeur R&D.
Dans ce contexte agité, le report au mois prochain du vote du Parlement européen destiné à bloquer le compromis conclu en décembre entre les Etats membres au niveau de la Commission technique, apparait comme un recul qui va permettre aux voitures de continuer à émettre deux fois plus d'oxyde d'azote (NOx) qu’autorisé. Les Verts ont dénoncé une tentative de «tuer dans l’œuf» tout durcissement des normes. Il est aussi à craindre que si le compromis est rejeté par le Parlement, les anciennes normes ne restent en vigueur … et donc que rien ne change avant que la Commission et le Conseil ne statuent.
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