Biodiversité: l’AFB bientôt privée de sa police judiciaire?
Le 21 juin 2016 par Marine Jobert
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A l’occasion de la troisième lecture de la loi Biodiversité, une douzaine d’amendements souhaitent ôter aux entités de la future Agence française pour la biodiversité (AFB) leurs compétences en matière de police judiciaire pour les transférer à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Les syndicats s’inquiètent.
A l’ONCFS les missions de police judiciaire. A l’AFB les missions de police administrative. C’est le sens d’une douzaine d’amendements présentés lors de la troisième lecture du projet de loi sur la reconquête de la biodiversité. Qualifiée de «compromis entre les objectifs du présent projet de loi et la réforme de la police de l’environnement» par leurs auteurs, que l’on trouve surtout dans les rangs de la droite (mais pas que), cette séparation permettrait à la fois «l’efficacité de l’action publique» et une «économie de moyens».
Chasse gardée
Le SNE-FSU, la CGT, FO et le Snape-Solidaires[1], syndicats représentatifs des personnels des établissements publics de l’environnement, sont furieux. D’abord parce que, selon eux, «le respect des directives européennes dans le domaine de l’eau exige que ces deux volets de la police soient en totale synergie». Ensuite parce que ces amendements «nient toute la spécificité de la police judiciaire environnementale qui se fonde sur l'articulation police/technique, avec des personnels formés dans chaque filière. (…) C’est cette technicité poussée qui permet d'asseoir les procédures sur des constatations techniques pointues (ex: caractérisations des impacts sur les milieux).» Le risque, craignent les syndicats, c’est une baisse de l'effort judiciaire sur les milieux naturels, «et donc l’impunité pour les atteintes à la qualité des milieux aquatiques. Est-ce le but recherché?». Et de prévenir: «Il serait très risqué de confier toute la police environnementale à un établissement dont le conseil d'administration est largement piloté par le monde de la chasse».
Pompili contre
Du côté du gouvernement, on assure être totalement opposé à cette séparation. D’abord parce qu’il s’agit de construire «et non de perturber un système qui fonctionne». Ensuite parce que les remontées du terrain font plus état des regrets des personnels de l’ONCFS d’être en dehors de l’AFB que d’un quelconque désir de chiper encore plus de prérogatives à leurs collègues. Preuve en est: la commande d’un deuxième rapport sur l’évolution de l’ONCFS et de l’Onema au CGEDD[2], qui préconise la mutualisation des deux entités à l’échelle départementale.
Pauvre AFB
Ancien administrateur de l’ONCFS, Pierre Athanaze n’est pas du tout étonné de ces amendements. «Ils y sont allés en deux fois: ‘on reste entre nous’, et une fois qu’ils ont réussi à ne pas intégrer l’AFB, ils essaient d’avoir un morceau du gâteau encore plus gros. C’est un double hold-up!» Avec à la clé, une AFB privée de plus de la moitié de ses effectifs potentiels, d’un budget digne de ce nom et des compétences sur les vertébrés et les oiseaux, territoires de prédilection de l’ONCFS.
[1] Snape: Syndicat national autonome des personnels de l'environnement
[2] Onema: Office national de l'eau et des milieux aquatiques. CGEDD: Conseil général à l’environnement et au développement durable
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