Artificialisation des terres: la maladie des résidences secondaires
Le 15 octobre 2018 par Marine Jobert
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C’est le logement qui est responsable de la moitié des surfaces imperméabilisées ces 10 dernières années. Au profit des zones les plus tendues? Pas du tout, relève le Commissariat général au développement durable (CGDD). Les résidences secondaires, et plus largement les 2,7 millions de logements vacants, se multiplient dans les zones les moins urbanisées.
Qui n’a jamais entendu que la France «bétonne l’équivalent d’un département français tous les 10 ans»? Nicolas Hulot, en juillet dernier, n’annonçait-il pas solennellement, à la faveur du plan Biodiversité, la mise en œuvre d’une ‘zéro artificialisation nette’ (qui consiste à désartificialiser une surface quand on en artificialise une autre)?
Car l’alerte sur cet avalement des terres, notamment agricoles, est un sujet identifié. Et pourtant ces 10 dernières années, les surfaces bâties et revêtues ont crû trois fois plus vite que la population (1,5% par an entre 1981 et 2012 contre 0,5%). «En projetant la tendance jusqu’en 2030, la part de ce type de surface artificialisée pourrait passer de 6 à 8% du territoire métropolitain, soit une augmentation d’un tiers de la surface actuellement imperméabilisée», s’alarme le CGDD dans une note.
La faute, surtout, aux aspirations toujours croissantes à un pavillon avec jardin ou à une résidence secondaire avec pelouse: 46% des sols artificialisés sur la période 2006-2014 servent aux logements individuels (dont plus de la moitié pour les pelouses et jardins), face à 3% pour les logements collectifs, construits majoritairement sur des terrains déjà artificialisés.
Les résidences secondaires
Dans quel contexte artificialise-t-on le plus?, s’est interrogé le CGDD. Sans surprise, là où existent encore des espaces non urbanisés en quantité, au détriment des espaces naturels, agricoles et forestiers. L’absence d’un plan de prévention des risques naturels, qui restreint les possibles, accélère le phénomène.
Trois autres facteurs jouent aussi leur rôle: les zones à résidence secondaire, les centres-villes délaissés et les ménages plus motorisés que la moyenne. La fiscalité communale actuelle ne semble pas avoir d’effet significatif ni robuste sur le rythme d’artificialisation, pas plus que l’existence d’un plan local d’urbanisme (PLU).
Et l’augmentation de la population a bon dos, puisque 21% des nouvelles surfaces artificialisées entre 2006 et 2016 se situent dans des communes dont la population décroît (soit 11.000 communes qui se trouvent presque toutes en zones non tendues).
Moins de gens, plus de constructions
Artificalise-t-on au moins là où le marché du logement est tendu? Point du tout. 73% des espaces consommés entre 2006 et 2016 se situaient dans des communes ne présentant pas de déséquilibre entre offre et demande de logements. De fait, le nombre de logements vacants sur la même période a augmenté de 1,9 à 2,7 millions sur la période. Soit une hausse du taux de vacance de 25% (en passant de 6,2% à 7,9% du parc). 20% des constructions nouvelles (environ 80.000 logements) sont des logements vacants.
Et le CGDD a calculé que si on parvenait à valoriser 80% du stock de logements vacants pour les besoins de l’habitat (soit 2,15 millions de logements vacants), le gisement d’économie serait de 5 années d’artificialisation due aux logements (sur la base d’un logement à construire en moins pour chaque logement vacant en moins) ou encore 2,5 années d’artificialisation tous usages confondus. «Même si les problèmes d’adéquation qualitative entre offre et demande font que ce gisement n’est pas mobilisable dans de telles proportions, tempère le CGDD, les enjeux sont importants.»
Valoriser les ‘dents creuses’
Quelles pistes suivre pour économiser des terres? D’abord stabiliser le nombre de logements vacants ou stopper la consommation d’espaces dans les communes dont la population décroît. Ensuite, plus finement à l’échelle des communes, recycler les friches urbaines et valoriser les ‘dents creuses’. Densifier le bâti existant ou recomposer le parcellaire font également partie des pistes. Dans le cadre du plan Biodiversité, un groupe de travail partenarial proposera des mesures en faveur du recyclage du foncier, alors que le Comité pour l’économie verte publiera fin 2018 des recommandations sur des mesures visant à limiter la consommation d’espace.
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