Alain Grandjean: vers un «langage commun» de la finance et du climat
Le 04 décembre 2015 par Romain Loury
Enfin un frémissement climatique dans le monde financier? L’économiste Alain Grandjean en voit de premiers signes très encourageants. Parmi ceux-ci, le désinvestissement des énergies fossiles, ainsi que le rôle de levier des banques publiques de développement sur les stratégies bas carbone dans les pays du Sud.
Mieux vaut tard que jamais: «Le monde financier a enfin saisi que le changement climatique était un sujet économique, et il est en train de faire le lien avec les risques systémiques», observe Alain Grandjean, interrogé lors de la COP 21. Après la prise de conscience, «nous sommes en passe de trouver un langage commun entre le monde financier et ceux qui sont soucieux du changement climatique», ajoute-t-il.
Pour l’économiste, fondateur du cabinet Carbone 4 avec Jean-Marc Jancovici, il existe déjà plusieurs signaux positifs. Parmi eux, le désinvestissement des énergies fossiles: mercredi 2 décembre, troisième jour de la COP 21, les ONG 350.org et Divest-Invest ont ainsi annoncé que plus de 500 institutions s’étaient déjà désinvesties des énergies fossiles, pour plus de 3.400 milliards de dollars (3.122 Md€).
«Attention à ne pas tomber dans l’euphorie: ces actifs financiers ne disparaissent pas, ils peuvent être revendus à d’autres», tempère aussitôt Alain Grandjean. Et ces 3.400 Md$ ne constituent qu’une petite partie des 80.000 Md$ (73.458 Md€) auxquels leur total est estimé.
Autre mouvement positif selon Alain Grandjean, les banques publiques de développement, dont l’Agence française de développement (AFD), ont un «effet de levier» en faveur des projets bas carbone. Du fait qu’elles tiennent désormais compte des risques climatiques, elles permettent de mieux orienter les financements des banques privées, qui les associent souvent à leurs projets comme cautions.
L’économiste se montre en revanche des plus sceptiques sur la possibilité d’un prix carbone ou d’une taxe carbone uniques au niveau mondial: «Mettre 195 pays d’accord sur un prix du carbone, je ne crois franchement plus au père Noël!», plaisante-t-il. Selon lui, le sujet ne pourra avancer que par «coalitions» de grandes entreprises prêtes à s’engager sur le sujet, selon un processus ascendant plutôt que descendant. «C’est un processus très lent, nous sommes là au cœur de l’économie», estime Alain Grandjean. Un cœur qui, on l’espère, se laissera rapidement attendrir par la menace climatique.
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