Agriculture: les pathogènes fongiques voués à s’étendre
Le 12 mai 2020 par Romain Loury
DR
Le réchauffement climatique devrait accroître l’abondance de champignons pathogènes dans les sols, menaçant un peu plus l’agriculture, et donc la sécurité alimentaire, révèle une étude publiée lundi 11 mai dans Nature Climate Change.
Après les atlas mondiaux d’animaux et de plantes, ceux de bactéries et de champignons, mais aussi de maladies végétales, font peu à peu leur apparition. D’un intérêt notamment agricole, ils permettent de définir les risques encourus par les cultures. Dans leur étude, Manuel Delgado-Baquerizo, de l’université Pablo de Olavide (Séville), et ses collègues vont un pas plus loin, en prévoyant la répartition mondiale des pathogènes fongiques avec le réchauffement en cours.
Pour cela, les chercheurs ont étudié 235 écosystèmes naturels dispersés à travers six continents, analysant par PCR (Polymerase Chain Reaction) la présence de champignons pathogènes dans les sols. Bien connus des agronomes, quelques genres dominent, parmi lesquels Alternaria, Fusarium, Phoma et Venturia.
La température, un facteur majeur
Principal enseignement de l’étude, l’abondance de ces pathogènes est étroitement liée à la température. Ils sont présents en grande quantité dans les sols des forêts tropicales, beaucoup moins dans ceux des forêts boréales. Le réchauffement pourrait donc constituer un risque encore plus important pour les pays peu développés, où ces champignons présents en milieu naturel, du fait de leur rapide dispersion, pourraient aisément gagner les cultures.
Selon une analyse de divers scénarios climatiques, les régions les plus affectées seraient les régions tempérées de l’hémisphère nord, ainsi que le sud de l’Afrique. La situation pourrait être aggravée par les changements d’usage des sols, en particulier pour Fusarium, dont l’abondance augmente aussi quand la couverture végétale diminue.
Les pathogènes pullulent dès +2°C
Les chercheurs ont par ailleurs mené une expérience de neuf ans dans le centre de l’Espagne, évaluant l’effet d’un réchauffement de +2°C sur la présence de pathogènes dans le sol. Leurs résultats montrent une explosion des champignons pathogènes: en abondance relative (c’est-à-dire en proportion de l’ensemble des champignons présents dans le sol), les Alternaria deviennent 7 fois plus présents, les Fusarium 5 fois et les Cladosporium 20 fois!
«La proportion de pathogènes potentiels va probablement s’accroître dans la plupart des régions du monde, quels que soient le scénarios climatiques et de changement d’usage des sols (…). Nos résultats peuvent être utilisés pour prévoir la manière dont les changements en cours vont affecter la répartition de ces pathogènes, et leur impact sur la production alimentaire», concluent les chercheurs.
POUR ALLER PLUS LOIN
Dans la même rubrique
Vigne: la nouvelle bataille de la Marne
20/12/2017
EGA: augmenter le revenu des agriculteurs avant de changer leurs pratiques
11/10/2017
En Irak, la pollution de guerre tue aussi
23/08/2016
Moscou ne voit pas les gaz de schiste d’un bon œil
16/10/2013
Empêcher une banque d’investir dans une centrale nucléaire, mode d’emploi
03/05/2013
20 € par an et par élève pour des cantines un peu plus bio et locales
03/09/2018