Affaire du siècle : la rapporteure publique reconnaît une carence de l’Etat
Le 14 janvier 2021 par Stéphanie Senet
Lors de l’audience qui s’est tenue ce 14 janvier au tribunal administratif de Paris, la rapporteure publique a reconnu la carence fautive de l’Etat à respecter ses objectifs climatiques mais a rejeté la demande de réparation du préjudice écologique.
Près de deux ans après le dépôt de leur recours au tribunal administratif de Paris, les 4 ONG réunies autour de l’Affaire du siècle –Fondation Nicolas Hulot, Oxfam, Greenpeace et Notre affaire à tous- ont obtenu un signal favorable de la rapporteure publique. Celle-ci a conclu, lors de l’audience, qu’il y a bien «une faute de l’Etat à n’avoir pas respecté sa trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre».
La magistrate, dont les conclusions ne seront pas forcément suivies par le tribunal, s’appuie sur la décision prononcée le 19 novembre dernier par la plus haute juridiction administrative.
Les leçons du recours de Grande-Synthe
Dans le cadre d’un autre recours climatique –pour excès de pouvoir et demande d’injonction formé par la commune de Grande-Synthe- le Conseil d’Etat avait en effet rappelé à l’Etat, sa responsabilité à tenir, dans les délais, l’objectif climatique d’une réduction de 40% des émissions de GES en 2030 et lui avait demandé des comptes sur la façon dont il comptait y parvenir alors qu’il a relevé, le 21 avril 2020, le plafond du dernier budget carbone 2019-2023. Entre-temps, l’objectif a d’ailleurs été relevé à 55% en 2030 au sein de l’UE. La réponse du gouvernement français est attendue au plus tard le 19 février 2021. Le Conseil d’Etat peut ensuite condamner l’Etat à prendre des mesures complémentaires.
Dans cette lignée, la rapporteure publique du tribunal administratif de Paris a estimé que «la méconnaissance du premier budget carbone 2015-2018 suffit à constater une faute de l’Etat». «La carence de l’Etat à prendre des mesures pour respecter la trajectoire qu’il s’est fixée contribue à l’aggravation du préjudice en cours», a-t-elle poursuivi.
Pas de réparation du préjudice écologique
En revanche, elle a estimé que les ONG requérantes n’avaient pas démontré que les objectifs climatiques étaient eux-mêmes insuffisants et n’a pas reconnu la carence de l’Etat quant au niveau des objectifs fixés au niveau national.
Si elle a demandé à l’Etat de verser un euro symbolique en réparation du préjudice moral de trois associations (Oxfam, Greenpeace et FNH[1]), elle a revanche rejeté la réparation du préjudice écologique. "La nature profonde de notre action, ce n'est pas de faire condamner l'Etat mais de faire agir l'Etat", a rappelé Cécile Dufflot, directrice générale d'Oxfam.
L’Affaire du siècle s’appuie sur une pétition signée par 2,3 millions de citoyens. Un record en France. Le mouvement a été rejoint, en juin dernier, par trois nouvelles associations, la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), la Fondation Abbé Pierre et France Nature Environnement, ainsi qu’en septembre par l’association Anper-Tos[2].
Aussi attendu que la prochaine décision du Conseil d’Etat, le jugement du tribunal administratif doit être rendu dans les 15 jours.
[1] L’association Notre affaire à tous est trop récente
[2] Association nationale pour la protection des eaux et rivières, Truites, Ombres, Saumons
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