Les Réserves naturelles se mobilisent face au changement climatique
Le 14 juin 2019 par Romain Loury

«Chaud devant!!! S’adapter ou laisser faire?»: tel était l’enjeu du 38ème congrès de Réserves naturelles de France (RNF), qui s’est tenu du mercredi 5 au samedi 8 juin au Monêtier-les-Bains (Hautes-Alpes), au sein du Parc national des Ecrins. Parmi les réponses, la construction d’un réseau plus dense, mieux connecté. Le point avec Charlotte Meunier, nouvelle présidente de RNF.
Avec plus de 400 participants, pour l’essentiel des gestionnaires d’espaces naturels de métropole et d’outre-mer, le 38ème congrès des RNF a été l’occasion d’accroître les partenariats, notamment grâce à la signature d’un protocole de coopération technique avec les Parcs nationaux de France. Autre point saillant, l’annonce, par la secrétaire d’Etat Emmanuelle Wargon, de la création et de l’extension de réserves naturelles, dans la lignée du plan biodiversité de juillet 2018.
En ouverture du congrès, Emmanuelle Wargon a annoncé la création de 9 nouvelles réserves naturelles nationales et l’extension de 18 autres. Etes-vous satisfaite de ces mesures?
C’est un travail que nous avons initié l’an dernier avec Nicolas Hulot [alors ministre de la transition écologique], et dont l’objectif a été réaffirmé. Avec cette annonce, il y a un engagement d’aboutir à la création de 20 nouvelles réserves nationales d’ici la fin du mandat [d’Emmanuel Macron, en 2022], avec pour nous l’objectif final de 500 réserves naturelles en 2030. La dynamique est donc relancée, cela faisait très longtemps que l’on n’avait pas créé de nouvelle réserve naturelle nationale (voir encadré).
Emmanuelle Wargon a réitéré l’objectif de 30% d’aires protégées en 2022 [aussi bien en milieu terrestre et en milieu marin, contre respectivement 29,5% et 22% actuellement], dont 10% en pleine naturalité, sous statut de protection forte. Avec seulement 1,36% d’aires protégées en protection forte à ce jour, ce dernier objectif est loin d’être rempli.
De manière concrète, comment parvenir de 1,36% à 10% d’espaces protégés en pleine naturalité d’ici à 2022?
Nous allons travailler avec les autres réseaux d’espaces naturels, tels que les Parcs naturels nationaux et régionaux, les grands sites de France, les conservatoires des espaces naturels, pour y parvenir. L’idée, c’est qu’on puisse, avec tous ces réseaux, apporter des idées très concrètes lors de notre prochaine rencontre prévue avec Emmanuelle Wargon en septembre pour rendre la stratégie nationale des aires protégées efficace. Mais au-delà des objectifs chiffrés, il va falloir que les financements et les moyens humains suivent pour assurer la gestion et la préservation de la biodiversité. Pour l’instant, ils sont loin d’être suffisants.
Passer de 1,36% à 10%, c’est en effet un pas de géant, qui exige que l’on se repose la question de ce qu’on entend par naturalité. Il va falloir conserver des espaces qui intègrent au mieux la biodiversité, tout en créant de la connectivité entre les espaces protégés -un sujet sur lequel nous avons de grandes marges de progression.
Le thème du congrès de cette année était le réchauffement climatique. En perçoit-on déjà les effets?
Oui, il y a déjà de nombreux témoignages dans les réserves naturelles et dans les parcs nationaux, avec les exemples les plus visibles en montagne et les zones littorales. Dans le parc des Ecrins, on voit que certaines espèces se portent de moins en moins bien, comme le lagopède qui affectionne le climat froid, ou encore que la végétation monte en altitude. Les lacs d’altitude subissent aussi d’importantes modifications, qui vont continuer à se faire sentir. Grâce à des suivis comme ceux menés dans le cadre du programme de recherche ‘lacs sentinelles’, ils sont des témoins de l’évolution du climat.
Lors du congrès, il a notamment été question du projet LIFE NaturAdapt, dont l’objectif est d’intégrer le changement climatique dans la gestion des espaces protégés européens. Prévu sur cinq ans (2018-2023), il est coordonné par les Réserves naturelles de France. Où en est-on?
Cette année, nous en sommes au démarrage. Un premier outil va être mis en place à l’automne. Il s’agira d’une plateforme internet permettant de mettre en contact les gestionnaires d’espaces protégés et les chercheurs, afin de mieux exploiter les données sur le réchauffement. Un séminaire de travail aura lieu du 25 au 28 juin à Banyuls-sur-Mer [dans les Pyrénées-Orientales], afin de jeter les bases de travail sur les six sites tests[i]. A terme, il s’agit d’intégrer dans les plans de gestion des réserves naturelles un volet adaptation climatique, pour anticiper les évolutions de la biodiversité.
Il n’y aura pas de recette miracle contre le réchauffement, qui menace de faire complètement disparaître certains milieux. Parmi les éléments importants, on peut citer la connectivité entre les espaces protégés, voire aussi des zones tampons. Plus le réseau sera étendu, plus il sera résilient, avec des effets d’atténuation croisée entre le réchauffement et le déclin de la biodiversité.
[i] Il s’agit des réserves naturelles de Sixt-Passy (Haute-Savoie), de Lilleau des Niges (Charente-Maritime), de Chastreix-Sancy (Puy-de-Dôme), de la petite Camargue alsacienne (Haut-Rhin), des tourbières du Morvan (Nièvre/Saône-et-Loire) et de la forêt de la Massane (Pyrénées-Orientales).
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