Les grenouilles pas si démunies contre leur champignon
Le 10 juillet 2014 par Romain Loury
DR
Un nouvel espoir pour les grenouilles et les crapauds: ces animaux semblent bien capables de résister au champignon Batrachochytrium dendrobatidis, l’un des responsables de leur fort déclin mondial, révèle une étude publiée mercredi dans la revue Nature. Une découverte qui ouvre la voie à un «vaccin».
Observé dans le monde entier, le déclin des populations d’amphibiens affecte 59% des espèces européennes, et 23% sont menacées d’extinction, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Parmi les nombreux facteurs évoqués, le réchauffement climatique, la pollution chimique, la dégradation de leur habitat, les rayons UV-B, mais aussi la piste infectieuse. En l’occurrence par Batrachochytrium dendrobatidis, un champignon mortel.
Observé pour la première fois en 1998 en Australie et en Amérique centrale, ce pathogène, qui bloque les organes respiratoires, s’est depuis étendu au monde entier, notamment en Europe. Afin d’éviter une disparition complète des grenouilles, plusieurs expériences locales ont été menées afin de conserver les espèces affectées en captivité, en vue de les réintroduire en milieu naturel. Les succès sont pour l’instant mitigés, avec une forte mortalité dès que les animaux libérés se retrouvent en présence du pathogène.
La chaleur inactive le champignon
L’équipe de Jason Rohr, de l’University of South Florida à Tampa, vient de trouver une solution à ce problème. Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’alors, les amphibiens peuvent s’immuniser contre Batrachochytrium dendrobatidis, et leur protection s’accroît avec le nombre d’expositions, la mortalité diminuant au fur et à mesure.
Après chaque exposition du crapaud de chêne (Bufo quercicus, originaire du sud-ouest des Etats-Unis) au champignon, les chercheurs ont inactivé ce dernier en exposant l’animal à une température élevée, ce qui empêche l’infection d’aller à son terme –la mort. Après deux de ces brèves expositions, la troisième n’était mortelle que dans environ 30% des cas, contre 80% des cas chez les animaux contrôles.
Vacciner la grenouille dans son milieu
Encore plus intéressant, le même effet a été obtenu avec des champignons morts, donc sans risque de voir l’animal décéder, uniquement en les appliquant sur la peau. En clair: un véritable vaccin qui pourrait bien sauver les amphibiens. Selon les chercheurs, il serait même envisageable de libérer du Batrachochytrium dendrobatidis mort dans les lieux de vie des amphibiens, afin de susciter une immunité de groupe dans les populations. A terme, le taux d’infection baisserait, et le champignon s’y raréfierait.
L’idée reste à tester, mais elle pourrait d’ores et déjà donner quelques idées pour d’autres espèces menacées par des champignons, par exemple les chauves-souris et leur syndrome du nez blanc, qui fait des ravages en Amérique du Nord, ou les abeilles et leur Nosema ceranae.
Les chercheurs montrent par ailleurs un étrange moyen de protection chez les amphibiens, autre qu’immunitaire. Après une à deux expositions au Batrachochytrium dendrobatidis, les individus demeurent plus souvent dans les compartiments de leur habitat dénués du champignon, comme s’ils devenaient capables de «ressentir» sa présence. Un processus comportemental dont les chercheurs ne s’expliquent pas les mécanismes.
S’il y a quelques raisons d’espérer quant au champignon, une étude publiée par une équipe de l’University of Tennessee (Knoxville) dans la revue EcoHealth révèle une autre menace infectieuse, cette fois-ci virale. Connu depuis les années 1960, le ranavirus, très mortel, pourrait entraîner des extinctions de populations isolées, révèlent les chercheurs sur la base de modélisations mathématiques. Selon leurs calculs, son retour annuel pourrait entraîner la disparition de groupes locaux en 5 ans.
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