Estuaires: les vers trématodes, menace imminente
Le 14 janvier 2015 par Romain Loury
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Les maladies parasitaires liées aux vers trématodes, qui infestent les estuaires, pourraient connaître une forte recrudescence avec la montée des eaux liée au réchauffement, révèle une étude publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas).
Parmi ces maladies, on compte la schistosomiase (ou bilharziose), maladie négligée qui selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a touché 243 millions de personnes en 2011. Si elle s’attrape par simple contact avec une eau contaminée par des larves de trématodes, d’autres maladies se contractent par voie alimentaire: à elles 4, la clonorchiase, l’opisthorchiase, la fascioliase et la paragonimiase touchent chaque année 56 millions de personnes.
Leurs agents, des vers trématodes, possèdent un cycle de vie complexe: à l’exception des vers Schistosoma, qui ne possèdent qu’un hôte intermédiaire, elles en possèdent en général deux. Le premier est un mollusque d’eau douce, le second est, selon l’affinité du trématode, un poisson d’eau douce ou un crustacé. Quant à l’hôte final, il s’agit des mammifères, dont l’homme.
Les fossiles de palourdes parlent
Les trématodes étant particulièrement présents dans les estuaires, que faut-il attendre de la montée des océans, qui pourrait atteindre jusqu’à 0,74 mètre au cours du XXIème siècle? Rien de bon, estiment John Warren Huntley, de l’université du Missouri à Columbia, et ses collègues.
S’il est difficile de prédire l’avenir, en raison de la multiplicité des facteurs (température, salinité, présence des divers hôtes), le passé nous en apprend long. Raison pour laquelle les chercheurs se sont tournés vers les fossiles du delta de la rivière des perles, près de Hong Kong, alimentés par les fleuves Xi et Zhu Jiang.
Il est certes illusoire de retrouver une trace du ver trématode, en raison de son corps. Le parasite laisse en revanche des marques sur les coquilles des palourdes qu’il infecte, sous forme de creux ovales. Ce sont ces fossiles que les chercheurs ont analysés, remontant jusqu’à -9.600 ans.
Quand la mer monte
Selon leurs résultats, c’est au début de la montée des eaux que les vers trématodes sont le plus abondants dans les estuaires, à savoir pendant les 300 premières années. Par la suite, ils deviennent moins fréquents, atteignant même un minimum lorsque la montée des eaux atteint un pic. Des résultats qui confirment une autre étude de 2012, menée par la même équipe dans la mer Adriatique.
«Ces observations pour l’Holocène [période qui a commencé il y a 11.700 ans et est toujours en cours, ndlr] nous indiquent ce à quoi nous devons nous attendre au cours des prochaines décennies et des prochains siècles, au sein des écosystèmes estuariens soumis à la montée des mers», expliquent les chercheurs.
Outre la santé publique, ces effets, qui pourraient se faire rapidement sentir, fragiliserait l’ensemble de la faune estuarienne, avec un impact commercial sur de nombreuses pêcheries, concluent-ils.
En France, la bilharziose a récemment fait son retour dans une rivière du sud-est de la Corse, donnant lieu en juin 2014 à une alerte du ministère de la santé. Un phénomène d’autant plus étonnant que la maladie n’avait pas entraîné de cas autochtones (non importés) en Europe depuis les années 1920.
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