CO2: pourquoi l’Allemagne craint le prix plancher
Le 26 juin 2017 par Valéry Laramée de Tannenberg
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La transition énergétique pourrait distendre les liens forts que tentent de tisser Emmanuel Macron et Angela Merkel. La semaine passée, à l’occasion de son congrès annuel, l’association des entreprises allemandes de l’énergie et de l’eau (BDEW) a rappelé tout le bien qu’elle pensait de l’idée française visant à redonner du tonus au système communautaire d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (ETS).
30 euros la tonne de CO2
Lors de la campagne présidentielle, le candidat Macron n’a pas caché tout l’intérêt qu’il portait à la mise en place d’un prix plancher européen pour les quotas de l’ETS. Huit mois après l’abandon en pleine discussion du projet de loi de finances d’une mesure comparable (au niveau hexagonal seulement), le gouvernement pourrait remettre en selle la promesse faite, en avril 2016, par François Hollande de faire payer l’émission d’une tonne de CO2 au prix minimal de 30 euros.
Gros impacts en Allemagne
Un projet voué aux gémonies par les producteurs d’électricité, outre-Rhin. Ces derniers ont mandaté Pöyri pour évaluer les impacts d’une telle mesure pour le secteur électrique allemand. Ils sont importants. Compte tenu de son bouquet électrique très carboné[1], l’Allemagne verrait passer de 35 à 50 euros son prix moyen du MWh sur le marché de gros, estime le consultant spécialisé, dans son étude. Soit un bond de 40 %.
De quoi fortement déplaire à l’industrie allemande, qui engloutit 46 % des électrons allemands. Celle-ci estime d’ailleurs, que le corridor du prix carbone prôné par les Français serait susceptible de porter un rude coup au différentiel de compétitivité entre les deux économies.
Ce n’est pas tout. En renchérissant les coûts de production des centrales au charbon, notamment par rapport à leurs concurrentes fonctionnant au gaz naturel, le prix plancher inverserait l’ordre d’appel des groupes de production. Pour équilibrer l’offre et et la demande, les gestionnaires de réseau de transport d’électricité font, en priorité, appel aux centrales électriques dont les coûts sont les plus faibles.
Chute de rentabilité pour le charbon
Les installations les plus économiques, comme les centrales nucléaires françaises, sont assurées de fonctionner en permanence. Les plus chères ne tourneront que quelques dizaines d’heures par an. Disqualifiées, économiquement, par la hausse des prix du quota d’émission, bon nombre de centrales au charbon et au lignite allemandes, verraient fondre leur rentabilité. Mauvaise nouvelle pour les électriciens, cette fois.
Seule bonne nouvelle pour l’Allemagne : l’effet sur le climat. Fixé à 30€/t le prix plancher contribuerait à diminuer de 55 millions de tonnes par an les émissions carbonées du secteur électrique. Soit une chute d’environ 15 %.
Baisse des émissions
Ces évaluations sont peu ou prou partagées sur cette rive-ci du Rhin. Dans une étude conjointe, RTE et l’Ademe estimaient, dès l’an passé, qu’une telle mesure porterait à 51€ le prix moyen du MWh européen. Les Français sont un peu plus pessimistes quant à ses bienfaits climatiques : 50 Mt d’économie de CO2 par an, 10 % de moins que prévu par les consultants allemands. Le tout pour un surcoût de 4 milliards d’euros par an.
[1] Les centrales au charbon représentent 25 % des capacités de production mais génèrent 40 % de l’électricité.
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