Climat: les Européens révisent à la baisse leurs ambitions
Le 19 décembre 2017 par Valéry Laramée de Tannenberg

VLDT
Après 15 heures de négociations, les ministres européens de l’énergie se sont mis d’accord sur de nombreuses dispositions du paquet Energie propre. Les négociations en trilogue vont pouvoir débuter. Avec pour ligne de mire une adoption définitive des règles issues de l’Accord de Paris au cours du second semestre 2018.
C’est le problème rencontré par les présidences semestrielles de l’Union européenne arrivées en fin de mandat: tout accord exige des sacrifices. Et le conseil européen de l’énergie, qui s’est achevé très tôt ce mardi matin 19 décembre, n’en a pas été avare. La présidence estonienne tenait à boucler les discussions entre les 28 sur 4 projets de textes[1] qui déclineront, au niveau communautaire, les engagements pris lors de l’Accord de Paris.
Dans le cadre de la révision de la directive Energies renouvelables, le conseil européen des ministres de l’énergie a entériné l’objectif que 27% «au moins» de la consommation finale d’énergie soit d’origine renouvelable d’ici 2030. Il y a un mois, le Parlement européen avait souhaité porté cet objectif à 35%.
Malgré les demandes formulées par les ONG et certains lobbies industriels, les ministres n’ont pas décliné ce but au niveau national.
Objectifs par usage
Mais plutôt par usage. Entre 2020 et 2030, les Etats membres devront accroître de 1% par an l’utilisation des énergies renouvelables pour la production de chaleur et de froid.
Les transports devront consommer 14% d’énergies renouvelables en 2030, dont le quart d’agrocarburants ‘avancés’. L’objectif de 7% d’agrocarburants de première génération, tant décriés, reste d’actualité.
Les Etats membres auront la possibilité d’intégrer à leur stratégie énergétique nationale (en France, la programmation pluriannuelle de l’énergie, PPE) des producteurs d’énergies renouvelables d’autres Etats membres.
Jalons renouvelables
Pour s’assurer que les Etats contribuent bien à l’atteinte des objectifs communautaires, le conseil a fixé des jalons (objectifs intermédiaires): 24% de l’objectif final en 2023, 40% en 2025 et 60% en 2027. Ces jalons sont applicables à la fois au niveau européen et national.
Ces valeurs sont calculées sur la base de l'objectif de 20% d'énergies renouvelables fixé pour 2020 en tant que point de départ (0%) et de l'objectif de 27% fixé pour 2030 en tant que point d'arrivée (100%).
Les ministres ont aussi refusé de suivre le Parlement européen quand il préconise de baisser de 40% la consommation d’énergie entre 1990 et 2030.
Les tarifs régulés français sauvés
Autre texte d’importance: un projet de directive établissant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité. Cette directive Gouvernance rappellera notamment que les électriciens seront en mesure de fixer librement leurs tarifs. Ce qui n’empêche pas le texte d’indiquer que les «Etats membres seront en mesure de réguler les prix temporairement en vue d'aider et de protéger les clients résidentiels vulnérables ou en situation de précarité énergétique». Le gouvernement français a sauvé (pour quelques années au moins) les tarifs régulés d’électricité. EDF va pouvoir souffler un peu.
Plus innovant, le texte autorise les gestionnaires des réseaux électriques (en France, RTE et Enedis) à «détenir, développer, gérer ou exploiter» des installations de stockage d’énergie. Avec ses stations de pompage-turbinage, la France dispose déjà de 5 gigawatts (GW) de capacité de stockage d’électricité. Selon les calculs du syndicat des énergies renouvelables (SER), il faudrait accroître de 20% cette capacité pour permettre un développement massif des ENR électriques.
Marché de capacité
La stabilisation des réseaux électriques, notamment en période de forte demande, peut aussi s’appuyer sur le marché de capacité. Ce système qui permet de rémunérer des exploitants de centrales de pointe n’est pas totalement nouveau. Toutefois, à la faveur du conseil Energie, il pourrait évoluer.
A partir de 2025, ont approuvé les ministres de l’énergie, seules les installations émettant moins de 550 grammes de CO2 au kilowattheure (kWh) ou moins de 700 kg de CO2 par kW installé et par an seront éligibles. Ce qui, en principe, discrédite les centrales au charbon, à moins qu’elles ne soient dotées de systèmes de captage-stockage de CO2. Une limite a été instaurée pour la participation au dispositif des centrales électriques existantes «qui ne pourront pas recevoir d'aides après 2030 et pour qui les aides devront être réduites après 2025», explique le conseil dans un communiqué. «Ce compromis est le fruit du lobbying de l’Allemagne et de la Pologne», commente Neil Makaroff, chargé des questions européennes au Réseau Action Climat-France.
Les 28 ayant adopté leur position commune, les négociations vont pouvoir s’engager en trilogue. Le Parlement européen devrait voter les textes en session plénière au cours du mois de janvier. Mais l’adoption définitive du paquet Energie propre n’est pas prévue avant le second semestre 2018. Ce sera sous présidence autrichienne, grande productrice d’énergies renouvelables.
[1] Les trois textes sont une nouvelle mouture de la directive Energies renouvelables, un règlement et une directive fixant le cadre pour un marché intérieur de l’électricité et un projet de règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie.
POUR ALLER PLUS LOIN
Dans la même rubrique
L’or noir reste incontournable
17/04/2005
L’éolien offshore anglais pourrait tourner court
18/04/2005
Le Giec, boussole de la planète pour l’après-Kyoto
12/11/2007
EPR: toujours le même débat sur la sûreté
20/10/2004
Electricité d'origine renouvelable ou issu de cogénération: précisions sur la garantie d'origine
19/11/2007
Bush et les énergies renouvelables
28/04/2005