Bruxelles tente de réparer le scandale du Dieselgate
Le 21 décembre 2016 par Marine Jobert
Commission d’enquête parlementaire. Durcissement des émissions de particules fines pour les véhicules essence. Bruxelles, toujours sous le feu des critiques des ONG, se démène pour rattraper son retard en matière de pollution automobile.
Tous les constructeurs européens remplissent leurs obligations en matière d’émissions de CO2. Ce n’est pas Renault ou Ford qui l’affirment, mais bien l’Agence européenne de l’environnement, dans un rapport publié le 16 décembre. A l’heure où le diesel représente encore 52% des ventes dans l’Union et qu’une partie de l’Europe se remet à peine d’intenses pics de pollution aux particules fines, la nouvelle a de quoi surprendre. Ce constat est frontalement remis en question par le Réseau Action Climat (RAC) France, qui relaie une étude de l’ONG Transport & Environment. Leur constat: si, officiellement, les constructeurs sont en règle avec la législation européenne, l’efficacité énergétique des voitures neuves ne progresse plus pour la 4e année consécutive. La faute aux défaillances dans les tests d’homologation imposés, qui font que l’écart entre émissions réelles et mesures d’homologation est passé de 9% en 2001 à 28% en 2012, et à 42% en 2015; et à 45% pour les véhicules d’entreprises.
NOx
Des chiffres qui pourraient intéresser les eurodéputés enquêtant sur le Dieselgate, afin de compléter leur pré-rapport dévoilé le 19 décembre. Car la Commission, les Etats membres et beaucoup de parties prenantes savaient depuis au moins les années 2004-2005 qu’existaient de forts écarts entre les émissions de NOx des véhicules et les normes alors en vigueur. Et qu’ont fait les autorités européennes et nationales pour y remédier? Rien, répondent en substance les eurodéputés. Ce n’est qu’à partir de septembre 2015, quand éclate le scandale Volkswagen, que les Etats commencent à s’intéresser aux véhicules qui sillonnent leurs routes et que la Commission s’avise de leur demander des comptes. Il faudra attendre le 8 décembre dernier pour que la Commission ouvre 7 procédures d’infraction à l’encontre de pays européens.
Logiciels truqueurs ignorés
Avant 2015, ces écarts étaient généralement attribués à l’inadéquation entre les tests en laboratoire, non représentatifs des conditions réelles d’émissions, et les stratégies d’optimisation mises en place par les constructeurs de voitures pour réussir ces tests. Mais l’usage de logiciels truqués n’était pas évoqué et ne le sera qu’après les révélations de l’agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA).
Ne pas durcir les tests
Dans le contexte post-crise financière de 2008, les Etats et la Commission ne tenaient pas à trop alourdir les contraintes pesant sur l’industrie automobile: le durcissement des conditions des tests d’émissions a trainé en longueur. Si quelques Etats ont accepté de participer aux réunions techniques d’élaboration (comme l’Allemagne, la France, le Danemark, l’Espagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas), d’autres ont opté pour la politique de la chaise vide. Une faute, soulignent les eurodéputés, alors que la qualité de l’air continuait à se dégrader pour des raisons connues de tous à l’époque.
Retarder la réglementation
Les minutes de ces réunions techniques montrent que les Etats qui ont participé aux réunions ont toutefois déployé moult efforts pour retarder l’adoption des tests en conditions réelles de circulation et pour imposer des méthodes moins exigeantes, ce qui a eu pour effet de retarder l’adoption de la nouvelle réglementation. Dans le collimateur, trois Etats: l’Italie, l’Espagne et la France, dont la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, avait refusé d’endosser la responsabilité politique lors d’une audition par les eurodéputés, préférant évoquer des hauts fonctionnaires ayant agi «sans instruction». D’autant que les ‘parties prenantes’ qui s’activaient dans ces comités étaient, pour plus de la moitié, employées par l’industrie automobile et affiliés. Des potentiels conflits d’intérêt tolérés par la Commission, en violation des règles en vigueur, et dénoncés par les parlementaires.
Passivité coupable
Les eurodéputés reprochent aussi aux Etats leur passivité devant l’accumulation d’indices sur le caractère irrationnel des stratégies mises en œuvre pour contrôler les émissions. «Selon nos investigations, la plupart des pays –en particulier l’Allemagne, la France, l’Italie et le Luxembourg- avaient la preuve que [ces contrôles] ne visaient qu’à réussir le cycle de test type.» Les élus estiment que «la plupart des Etats membres n’ont pas pris de mesures pour mieux comprendre les grands écarts qui existaient entre les niveaux d’émissions mesurés en laboratoire et sur route, en menant des tests additionnels» et que la Commission aurait dû y veiller. Se contenter des seuls résultats des constructeurs automobiles constitue également une erreur, qui résulte de la réglementation en vigueur dans l’Union. Les eurodéputés proposent que soit créée une structure indépendante pour mener à bien ces tests.
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