Aux Orcades, on teste les hydroliennes de demain
Le 02 avril 2014 par Valéry Laramée de Tannenberg, envoyé spécial

VLDT
C’est au centre européen d’essai des énergies marines que les industriels expérimentent en conditions réelles leurs prototypes d’hydroliennes. Une nouvelle source d’énergie marine renouvelable appelée à se développer.
Peu connues du public français, les îles Orcades sont l’un des points d’attraction de la mer du Nord écossaise. Et pas seulement pour les touristes britanniques qui envahissent l’archipel dès la fin du printemps. Depuis des décennies, ces anciennes possessions vikings sont la terre d’élection des promoteurs d’énergies renouvelables. Dans les années 1980, des électriciens, un peu fous, y élèvent sur une tour en béton une éolienne de 3 mégawatts, avec près de 30 ans d’avance sur les grands turbiniers actuels. Par la suite, les constructeurs ont testé nombre de moulins à vent. Circuler dans les Orkneys, c’est visiter le musée vivant de l’éolien.
Toutes les formes possibles
En 2003, une autre source d’énergie renouvelable pointe le bout de son nez. Sous l’impulsion du gouvernement écossais, se crée le centre européen d’essai des énergies marines (Emec). Basé dans une belle maison de schiste, l’Emec met à disposition des industriels européens, mais aussi japonais, des sites offshore, instrumentés et reliés à la côte par 14 kilomètres de câbles moyenne tension. En une décennie, le centre basé à Stromness a été le terrain d’expérimentation de toutes sortes de machines à produire des électrons: huître géante, serpent de mer à convertisseur, pompe flottante à eau, pingouin houlomoteur. Autant de projets d’avenir et qui le resteront, probablement.
Aujourd’hui, l’Emec accueille principalement des développeurs d’hydroliennes. Cousines des éoliennes marines, ces turbines sous-marines utilisent la force des courants de marée pour produire de l’énergie. Sur le port de Stromness, trois entreprises se font face: Alstom, Open Hydro (groupe DCNS) et Voith. Chacune y teste ses prototypes. Et il faut faire vite.
L’échéance du 25 avril
C’est au 25 avril prochain que l’Ademe a fixé l’échéance de son appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour des fermes-pilotes hydroliennes. Lancé le 30 septembre dernier par le président de la République, l’AMI vise la construction, pour 2016, de 3 à 4 fermes-pilotes de 4 à 10 machines chacune.
Ces hydroliennes seront testées dans le raz Blanchard (puissant courant de renverse passant au large de la pointe du Cotentin) et dans le passage de Fromveur (entre les îles bretonnes d’Ouessant et de Molène). L’état devrait investir plusieurs dizaines de millions d’euros, financés par les investissements d’avenir. Le tarif d’achat de l’électricité est fixé à 173 euros le mégawattheure. Les principaux concurrents sont connus: Alstom-GDF Suez, DCNS-EDF et Siemens-Unite.
Un calendrier serré
Dans les Orcades, techniciens et ingénieurs ne chôment pas. L’AMI impose que les machines qui participeront à la compétition aient été testées en mer pendant 6 mois au moins. Chacune devra être capable de produire un minimum de 2.500 MWh/an. Ce ne sera pas facile. Lors de sa période d’essai de 2013, l’hydrolienne de 1 MWe d’Alstom a injecté plus de 130 MWh dans le réseau orcadien. «Toutefois, sur la base de ces résultats, nous sommes confiants pour l’avenir», indique Erwann Rio.
A dire vrai, c’est plutôt le calendrier de l’AMI que semblent craindre les industriels. «2016, cela me semble techniquement difficile à tenir, surtout avec de possibles recours juridiques», prévient le directeur industriel d’Alstom New Energy Ocean. D’autant que le groupe présidé par Patrick Kron vise particulièrement les fermes qui seront situées au large du Cotentin. Une zone où le raccordement au réseau terrestre de transport n’est pas des plus simples, a rappelé RTE dans un récent rapport.
Le potentiel de la Nouvelle-Ecosse
Cela étant, la France n’est pas tout. Selon les opérateurs, le potentiel hydrolien mondial se situe entre 60 et 100 gigawatts électriques de capacité installée. Et il n’est pas certain que les autorités françaises soient les premières à se décider.
La Nouvelle-Ecosse a aussi de grandes ambitions hydroliennes. Le gouvernement de la province canadienne entend exploiter le formidable potentiel de la baie de Fundy, évalué à plus de 2,5 GWe. Le 28 mars, son ministère de l’énergie a autorisé OpenHydro (filale de la DCNS) à y tester deux machines de 2 MWe unitaire, à partir de 2015[1]. C’est ce même type d’hydrolienne qu’a expérimenté EDF sur le site breton de Paimpol-Bréhat.
L’électricien français répond à l’AMI de l’Ademe avec cette machine. Alstom et Siemens sont également sur les rangs pour installer leurs moulins dans les eaux canadiennes. Malgré des conditions financières encore peu attractives. Halifax a fixé à 63 dollars (41 euros) le tarif d’achat (certes sur 20 ans) du courant hydrolien. Off the record, les futurs exploitants d’hydroliennes affirment viser un coût de production voisin de celui de l’éolien marin. Soit près de 200 €/MWh.
[1] La filiale irlandaise de DCNS y a déjà expérimenté une machine en 2010. Toutes les pales de la turbines turbine avaient été détruites par le courant, jugé trop fort par le constructeur.
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