A +2°C, une montée des océans déjà catastrophique
Le 27 juillet 2015 par Romain Loury
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Se contenter d’une augmentation de 2°C d’ici 2100 est-il une si bonne idée? Pas forcément, révèle une étude publiée dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics Discussion: en raison des failles que recèlent les modèles climatiques, les conséquences pourraient déjà être désastreuses.
Désormais inéluctable, le réchauffement climatique pourra difficilement être maintenu en-dessous de +2°C d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Au fil des négociations politiques et des congrès scientifiques, ce seuil est devenu le maximum à ne pas dépasser, celui en-deçà duquel on espère maintenir l’impact humain dans des limites acceptables.
Or rien n’assure que cette hausse de 2°C ne soit pas déjà une catastrophe, selon l’étude publiée par 17 chercheurs, dont le climatologue américain James Hansen. Originalité de la revue Atmospheric Chemistry and Physics Discussion, publiée par l’Union européenne des géosciences, les articles y sont soumis aux commentaires des lecteurs, et non à la revue par les pairs.
Il s’agit d’«intéresser un maximum de personnes à la discussion de ces résultats, de provoquer un débat qui ne soit pas réservé aux relecteurs scientifiques», explique au JDLE Valérie Masson-Delmotte, chercheure au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) et co-auteure de l’article, d’une longueur de 121 pages. En cela, le pari est d’ores et déjà gagné, au vu des nombreuses réactions du milieu des climatologues.
Une «zone grise» des modèles climatiques
Si plusieurs experts font montre de scepticisme à l’égard de l’étude, les auteurs la défendent en indiquant qu’il s’agissait de «forcer» les modèles climatiques sur un processus aussi crucial que peu compris, la fonte des calottes polaires. C’est là d’une de leurs «zones grises», explique Valérie Masson-Delmotte: comment les calottes du Groenland et de l’Antarctique réagissent-elles au réchauffement, et notamment à la modification des courants marins qui en découlera?
Du fait du réchauffement, la fonte des calottes entraînera, aux pôles, un refroidissement des eaux de surface. Les courants marins allant vers les pôles s’en trouveront ralentis, l’eau plus chaude se trouvant bloquée à l’équateur, mais aussi en profondeur sous la calotte. Deux conséquences à cela: primo, un plus grand gradient nord-sud de température de surface -avec une recrudescence d’ouragans-, secundo, une accélération de la fonte glaciaire.
Plusieurs mètres en «50, 100 ou 200 ans»
En raison de cette interaction entre courants marins et calottes glaciaires, la fonte polaire ne serait pas un phénomène linéaire, mais exponentiel. Selon que le taux de fonte double en 10 ans, 20 ans ou 40 ans, le niveau de la mer pourrait s’élever de plusieurs mètres en 50, 100 ou 200 ans, expliquent les chercheurs.
Or «le taux récent de fonte des calottes glaciaires présente un taux de doublement plus proche du bas de la fourchette 10-40 ans», notent les auteurs. La montée des mers pourrait donc, selon leur modélisation, atteindre plusieurs mètres d’ici la fin du siècle, alors que, même dans ses scénarios les plus pessimistes, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ne prévoit pas de hausse supérieure à 1 mètre d’ici 2100.
A l’appui de leurs dires, les chercheurs évoquent l’Eemien, dernière période interglaciaire survenue il y a environ 125.000 ans, sur laquelle travaille Valérie Masson-Delmotte. Avec une température équivalant à 2°C de plus qu’à l’ère préindustrielle, le niveau de la mer y était surélevé de 5 à 9 mètres par rapport à la situation actuelle. Un parallèle également dressé par une étude américaine publiée fin juillet dans Science, analyse des archives géologiques qui remettait sérieusement en doute les chiffres du Giec sur la montée des océans.
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